Тетрадь четвертая   ::   Цветаева Марина

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(J’écris pour comprendre — c’est tout ce que j’ai à dire sur mon métier.)

Cher Monsieur, ce n’est pas mon Gars, ce n’est pas moi-même, c’est ma cause, une cause que je défends. Ne confondez donc pas!

Si Vous m’indiquez tel ou tel endroit obscur — ou non réussi — ou mal-sonnant — je ne Vous en serai que reconnaissante — surtout en ma qualité d’étrangère. Je peux rimer mal — d’accord, mais que la rime soit en elle-même un mal — cela, je ne Vous l’accorderai jamais.

(Oh, surtout ne Vous fâchez pas! Si je m’emporte ainsi — ce que j’ai confiance —)

Votre livre. Savez-Vous qu’il me rappelle beaucoup Rilke, le Rilke des Cahiers. Votre livre — un coeur mis-à-nu, sans la defence de la forme, Votre livre — dit, non écrit et par conséquent senti, ouï, non lu. Je l’ai relu trois fois. Il y a aussi beaucoup de moi dans Votre livre (le cas de croire sur parole!) je me reconnais presqu’à chaque page, surtout dans Etre un Homme — et surtout dans:

Et si tu vas un jour chez ceux qui ont de l’or —

et surtout dans:

— Sans que leur voix se trouble ordonnant

qu’on les serve

— surtout dans ce serve, qui, ici, a le poids du substantif, que j’aurais mis, moi, en ithaliques, que j’ai lu, moi, en ithaliques.

(«Madame et servie», celle qui le dit et celle qui l’est n’y pensent pas, mais Vous — moi — poètes — ouïe prolongée — y pensons pour elles: — servie par mes deux mains — ses deux mains dorées diamantées et oisives — par ces deux miennes, etc. C’est bien cela?)

L’auberge, c’est tout à fait Rilke, Histoires du Bon Dieu, son dedans des choses. Si je dis Rilke — ça veut dire fraternité. Faire du R est impossible, on naît, on est R. (On ne naît pas Rilke. 5 Août 1938 — en copiant.) Vous êtes, dans ce livre d’amour, son frère en humanité, son «frères humains…», son frère-arbre, frère-loup.

Et ce qui me touche — je ne saurais même pas dire et ne voudrais même pas savoir pourquoi, c’est ce mot gentil, gentille, qui Vous revient si souvent, ce mot si humble si peu usité en vers.

…Voici un cavalier sans cheval!

Dans cette ligne Votre choix dans la vie — ou avant la vie — est fait.

A un cheval qui veut, a un bréviaire qui veut, mais être (cavalier, prêtre, <пропуск одного слова>) sans avoir — c’est l’orgueil ou le refus suprême.

Comme je le connais, ce cavalier sans cheval.

* * *



Au revoir, cher Monsieur, à Vous de vouloir me voir.

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