--------------------------------------------- Jacques Brel Les paroles de 142 chansons A jeun Paroles et Musique: Jacques Brel 1967 "Jacques Brel '67" Parfaitement à jeun Vous me voyez surpris De n'pas trouver mon lit ici Parfaitement à jeun Je le vois qui recule Je le vois qui bascule aussi Guili guili guili Viens-là mon petit lit Si tu n'viens pas t'à moi C'est pas moi qui irai t'à toi Mais qui n'avance pas recule Comme dit monsieur Dupneu Un mec qui articule Et qui est chef du contentieux Parfaitement à jeun Je reviens d'une belle fête J'ai enterré Huguette ce matin Parfaitement à jeun J'ai fait semblant d'pleurer Pour ne pas faire rater la fête Z’étaient tous en noir Les voisins les amis Y avait qu'moi qui étais gris Dans cette foire Y avait beau-maman belle-papa Z'avez pas vu Mirza? Et puis monsieur Dupneu Qui est chef du contentieux (x2) Parfaitement à jeun En enterrant ma femme J'ai surtout enterré La maîtresse d'André Je n'l'ai su que c'matin Et par un enfant d'chœur Qui m' racontait qu' sa sœur ah ça sa sœur, ah! ça… (Disons qu’elle a profité de la vie…) Haha… Enfin! Il me reste deux solutions Ou bien frapper André Ou bien gnougnougnafier La femme d'André Sur son balcon Ou bien rester chez moi Feu-cocu mais joyeux C'est ce que me conseille André André, André Dupneu (x2) Qu'est mon chef du contentieux Parfaitement à jeun Vous me voyez surpris De ne pas trouver mon lit Aldonza Paroles: Jacques Brel. Musique: Mitch Leigh 1968 note: de la comédie musicale "L'homme de la Mancha " Je suis née comme une chienne une nuit où il pleuvait Je suis née et ma mère est partie en chantant Et je ne sais rien d'elle que la haine que j'en ai J'aurais dû venir au monde en mourant Eh bien sûr, il y a mon père, on dit, on dit souvent Que les filles gardent leur père au profond de leur cœur Mais je n'ai pas su mon père, mon père était plusieurs Car mon père était un régiment Je ne peux même pas dire s'ils étaient andalous ou prussiens Sont-ils morts vers le nord, sont-ils morts vers le sud? Je n'en sais rien! Une Dame, et comment veut-il que je sois une Dame? J'ai grandi comme une chienne de carrefour en carrefour J'ai grandi et trop tôt sur la paille des mules De soldat en soldat, de crapule en crapule J'ai connu les bienfaits de l'amour Et je vis comme une bête, je fais ça comme on se mouche Et je vis sans savoir ni pour qui ni pour quoi Pour un sou je me lève, pour deux sous je me couche Pour trois sous je fais n'importe quoi! Si vous ne me croyez guère, pour trois sous venez voir le restant De la plus folle des fiancées au plus crapuleux des brigands de la Terre Mais chassez donc vos nuages et regardez-moi telle que je suis Une Dame, une vraie Dame a une vertu, a une âme Dieu de Dieu, de tous les pires salauds que j'ai connus Vous qui parlez d'étoile, vous qui montrez le ciel Vous êtes bien le plus infâme, le plus cruel Frappez-moi, je préfère le fouet à vos chimères Frappez-moi jusqu'au feu, jusqu'au sol, jusqu'à terre Mais gardez votre tendresse, rendez-moi mon désespoir Je suis née sur le fumier et j'y repars Mais je vous en supplie, ne me parlez plus de Dulcinéa Vous voyez bien que je ne suis rien, je ne suis qu'Aldonza la putain. Amsterdam Paroles et Musique: Jacques Brel 1964 "Olympia 64" autres interprètes: Micelle Torr, Isabelle Boulay, Thierry Amiel (2003) Dans le port d'Amsterdam Y a des marins qui chantent Les rêves qui les hantent Au large d'Amsterdam Dans le port d'Amsterdam Y a des marins qui dorment Comme des oriflammes Le long des berges mornes Dans le port d'Amsterdam Y a des marins qui meurent Pleins de bière et de drames Aux premières lueurs Mais dans le port d'Amsterdam Y a des marins qui naissent Dans la chaleur épaisse Des langueurs océanes Dans le port d'Amsterdam Y a des marins qui mangent Sur des nappes trop blanches Des poissons ruisselants Ils vous montrent des dents A croquer la fortune A décroisser la lune A bouffer des haubans Et ça sent la morue Jusque dans le cœur des frites Que leurs grosses mains invitent A revenir en plus Puis se lèvent en riant Dans un bruit de tempête Referment leur braguette Et sortent en rotant Dans le port d'Amsterdam Y a des marins qui dansent En se frottant la panse Sur la panse des femmes Et ils tournent et ils dansent Comme des soleils crachés Dans le son déchiré D'un accordéon rance Ils se tordent le cou Pour mieux s'entendre rire Jusqu'à ce que tout à coup L'accordéon expire Alors le geste grave Alors le regard fier Ils ramènent leur batave Jusqu'en pleine lumière Dans le port d'Amsterdam Y a des marins qui boivent Et qui boivent et reboivent Et qui reboivent encore Ils boivent à la santé Des putains d'Amsterdam De Hambourg ou d'ailleurs Enfin ils boivent aux dames Qui leur donnent leur joli corps Qui leur donnent leur vertu Pour une pièce en or Et quand ils ont bien bu Se plantent le nez au ciel Se mouchent dans les étoiles Et ils pissent comme je pleure Sur les femmes infidèles Dans le port d'Amsterdam Dans le port d'Amsterdam. Au printemps Paroles et Musique: Jacques Brel 1958 Au printemps au printemps Et mon cœur et ton cœur Sont repeints au vin blanc Au printemps au printemps Les amants vont prier Notre-Dame du bon temps Au printemps Pour une fleur un sourire un serment Pour l'ombre d'un regard en riant Toutes les filles Vous donneront leurs baisers Puis tous leurs espoirs Vois tous ces cœurs Comme des artichauts Qui s'effeuillent en battant Pour s'offrir aux badauds Vois tous ces cœurs Comme de gentils mégots Qui s'enflamment en riant Pour les filles du métro Au printemps au printemps Et mon cœur et ton cœur Sont repeints au vin blanc Au printemps au printemps Les amants vont prier Notre-Dame du bon temps Au printemps Pour une fleur un sourire un serment Pour l'ombre d'un regard en riant Tout Paris Se changera en baisers Parfois même en grand soir Vois tout Paris Se change en pâturage Pour troupeaux d'amoureux Aux bergères peu sages Vois tout Paris Joue la fête au village Pour bénir au soleil Ces nouveaux mariages Au printemps au printemps Et mon cœur et ton cœur Sont repeints au vin blanc Au printemps au printemps Les amants vont prier Notre-Dame du bon temps Au printemps Pour une fleur un sourire un serment Pour l'ombre d'un regard en riant Toute la Terre Se changera en baisers Qui parleront d'espoir Vois ce miracle Car c'est bien le dernier Qui s'offre encore à nous Sans avoir à l'appeler Vois ce miracle Qui devait arriver C'est la première chance La seule de l'année Au printemps au printemps Et mon cœur et ton cœur Sont repeints au vin blanc Au printemps au printemps Les amants vont prier Notre-Dame du bon temps Au printemps Au printemps Au printemps Au suivant Paroles et Musique: Jacques Brel 1964 autres interprètes: -M- (2001) Tout nu dans ma serviette qui me servait de pagne J'avais le rouge au front et le savon à la main Au suivant, au suivant J'avais juste vingt ans et nous étions cent vingt A être le suivant de celui qu'on suivait Au suivant, au suivant J'avais juste vingt ans et je me déniaisais Au bordel ambulant d'une armée en campagne Au suivant, au suivant Moi j'aurais bien aimé un peu plus de tendresse Ou alors un sourire ou bien avoir le temps Mais au suivant, au suivant Ce n'fut pas Waterloo mais ce n'fut pas Arcole Ce fut l'heure où l'on r'grette d'avoir manqué l'école Au suivant, au suivant Mais je jure que d'entendre cet adjudant d'mes fesses C'est des coups à vous faire des armées d'impuissants Au suivant, au suivant Je jure sur la tête de ma première vérole Que cette voix depuis je l'entends tout le temps Au suivant, au suivant Cette voix qui sentait l'ail et le mauvais alcool C'est la voix des nations et c'est la voix du sang Au suivant, au suivant Et depuis chaque femme à l'heure de succomber Entre mes bras trop maigres semble me murmurer: "Au suivant, au suivant" Tous les suivants du monde devraient s'donner la main Voilà ce que la nuit je crie dans mon délire Au suivant, au suivant Et quand je n'délire pas, j'en arrive à me dire Qu'il est plus humiliant d'être suivi que suivant Au suivant, au suivant Un jour je m'f'rai cul-de-jatte ou bonne sœur ou pendu Enfin un d'ces machins où je n's'rai jamais plus Le suivant, le suivant Avec élégance Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, François Rauber 2003 "Brel infiniment" note: inédit enregistré en 1977; note figurant sur la compilation de 2003 "chanson non aboutie que Jacques Brel et nous-mêmes désirions remanier, raison pour laquelle elles n’ont jamais été divulguées" (François Rauber, Gérard Jouannest) Se sentir quelque peu Romain Mais au temps de la décadence Gratter sa mémoire à deux mains Ne plus parler qu'à son silence Et Ne plus vouloir se faire aimer Pour cause de trop peu d'importance Etre désespéré Mais avec élégance Sentir la pente plus glissante Qu'au temps où le corps était mince Lire dans les yeux des ravissantes Que cinquante ans, c'est la province Et Brûler sa jeunesse mourante Mais faire celui qui s'en dispense Etre désespéré Mais avec élégance Sortir pour traverser des bars Où l'on est chaque fois le plus vieux Y éclabousser de pourboires Quelques barmans silencieux Et Grignoter des banalités Avec des vieilles en puissance Etre désespéré Mais avec élégance Savoir qu'on a toujours eu peur Savoir son poids de lâcheté Pouvoir se passer de bonheur Savoir ne plus se pardonner Et N'avoir plus grand-chose à rêver Mais écouter son cœur qui danse Etre désespéré Mais avec espérance Bruxelles Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel amp; Gérard Jouannest 1962 C'était au temps où Bruxelles rêvait C'était au temps du cinéma muet C'était au temps où Bruxelles chantait C'était au temps où Bruxelles bruxelait Place de Broukère on voyait des vitrines Avec des hommes des femmes en crinoline Place de Broukère on voyait l'omnibus Avec des femmes des messieurs en gibus Et sur l'impériale Le cœur dans les étoiles Y avait mon grand-père Y avait ma grand-mère Il était militaire Elle était fonctionnaire Il pensait pas elle pensait rien Et on voudrait qu'je sois malin C'était au temps où Bruxelles chantait C'était au temps du cinéma muet C'était au temps où Bruxelles rêvait C'était au temps où Bruxelles bruxelait Sur les pavés de la place Sainte-Catherine Dansaient les hommes les femmes en crinoline Sur les pavés dansaient les omnibus Avec des femmes des messieurs en gibus Et sur l'impériale Le cœur dans les étoiles Y avait mon grand-père Y avait ma grand-mère Il avait su y faire Elle l'avait laissé faire Ils l'avaient donc fait tous les deux Et on voudrait qu'je sois sérieux C'était au temps où Bruxelles rêvait C'était au temps du cinéma muet C'était au temps où Bruxelles dansait C'était au temps où Bruxelles bruxelait Sous les lampions de la place Sainte-Justine Chantaient les hommes les femmes en crinoline Sous les lampions dansaient les omnibus Avec des femmes des messieurs en gibus Et sur l'impériale Le cœur dans les étoiles Y avait mon grand-père Y avait ma grand-mère Il attendait la guerre Elle attendait mon père Ils étaient gais comme le canal Et on voudrait qu'j'aie le moral C'était au temps où Bruxelles rêvait C'était au temps du cinéma muet C'était au temps où Bruxelles chantait C'était au temps où Bruxelles bruxelait C'est comme ça Paroles et Musique: Jacques Brel 1955 Dans les campagnes y a les filles Les filles qui vont chercher l'eau A tire-larigot Les filles font la file gentille Et tout en parlant tout haut Les filles font la file gentille Et tout en parlant tout haut Du feu et de l'eau C'est comme ça depuis que le monde tourne Y a rien à faire pour y changer C'est comme ça depuis que le monde tourne Et il vaut mieux ne pas y toucher Près des filles y a les garçons Les longs, les minces et les gras Qui rigolent tout bas Les noirs, les roses et les blonds Qui parlent de leur papa Les noirs, les roses et les blonds Qui parlent de leur papa Et des yeux doux d'Isa Y a les garçons, y a les papas Qui ont l'air graves et sévères Et qui sentent la bière Ils crient pour n'importe quoi Et sortent le soir par derrière Ils crient pour n'importe quoi Et sortent le soir par derrière Pour jouer au poker C'est comme ça depuis que le monde tourne Y a rien à faire pour y changer C'est comme ça depuis que le monde tourne Et il vaut mieux ne pas y toucher Dans les cafés y a les copains Et tous les verres qu'on boit à vide Y a aussi les verres vides Et les copains qu'on aime bien Vous font rentrer à l'aube livide Et les copains qu'on aime bien Vous font rentrer à l'aube livide Toutes les poches vides Près des copains il y a la ville La ville immense et inutile Où je me fais de la bile La ville avec ses plaisirs vils Qui pue l'essence d'automobile La ville avec ses plaisirs vils Qui pue l'essence d'automobile Ou la guerre civile C'est comme ça depuis que le monde tourne Y a rien à faire pour y changer C'est comme ça depuis que le monde tourne Et il vaut mieux ne pas y toucher Près de la ville il y a la campagne Où les filles brunes ou blondes Dansent à la ronde Et par la plaine par la montagne Laissons-les fermer la ronde Et par la plaine par la montagne Laissons-les fermer la ronde Des braves gens du monde C'est comme ça depuis que le monde tourne Y a rien à faire pour y changer C'est comme ça depuis que le monde tourne Et il vaut mieux ne pas y toucher Et il vaut mieux ne pas y toucher Et il vaut mieux ne pas y toucher Casse-pompon Paroles et Musique: Jacques Brel 1962 Mon ami est un type énorme Il aime la trompette et le clairon Tout en préférant le clairon Qu'est une trompette en uniforme Mon ami est une valeur sûre Qui dit souvent, sans prétention Qu'à la minceur des épluchures On voit la grandeur des nations Subséquemment, subséquemment Subséquemment que j'comprends pas Pourquoi souvent, ses compagnons L'appellent L'appellent Caporal casse-pompon Mon ami est un doux poète Dans son jardin, quand vient l'été Faut le voir planter ses mitraillettes Ou bien creuser ses petites tranchées Mon ami est homme plein d'humour C’est lui, c’est lui qui a trouvé ce bon mot Que je vous raconte à mon tour: "Ich slaffen at si auuz wihr prellen zie" Subséquemment, subséquemment Subséquemment que j'comprends pas Pourquoi souvent, ses compagnons L'appellent L'appellent Caporal casse-pompon Mon ami est un doux rêveur Pour lui Paris, c'est une caserne Et Berlin, un petit champ de fleurs Qui va de Moscou à l'Auvergne Son rêve: revoir Paris au printemps Redéfiler à la tête de son groupe En chantant comme tous les vingt-cinq ans: "Baisse ta gaine Gretchen que je baise ta croupe (ein, zwei)" Subséquemment, subséquemment Subséquemment que nous ne comprenons Comment nos amis les Franzosen Ils osent, ils osent l'appeler Caporal casse-pompon (ein, zwei) Ces gens-là Paroles et Musique: Jacques Brel 1966 autres interprètes: Ange (1977), Michel Delpech, Noir Désir (1998) D’abord, d’abord, y a l’aîné Lui qui est comme un melon Lui qui a un gros nez Lui qui sait plus son nom Monsieur tellement qu'y boit Tellement qu'il a bu Qui fait rien de ses dix doigts Mais lui qui n'en peut plus Lui qui est complètement cuit Et qui s'prend pour le roi Qui se saoule toutes les nuits Avec du mauvais vin Mais qu'on retrouve matin Dans l'église qui roupille Raide comme une saillie Blanc comme un cierge de Pâques Et puis qui balbutie Et qui a l'œil qui divague Faut vous dire, Monsieur Que chez ces gens-là On ne pense pas, Monsieur On ne pense pas, on prie Et puis, y a l'autre Des carottes dans les cheveux Qu'a jamais vu un peigne Qu'est méchant comme une teigne Même qu'il donnerait sa chemise A des pauvres gens heureux Qui a marié la Denise Une fille de la ville Enfin d'une autre ville Et que c'est pas fini Qui fait ses p'tites affaires Avec son p'tit chapeau Avec son p'tit manteau Avec sa p'tite auto Qu'aimerait bien avoir l'air Mais qui a pas l'air du tout Faut pas jouer les riches Quand on n'a pas le sou Faut vous dire, Monsieur Que chez ces gens-là On n'vit pas, Monsieur On n'vit pas, on triche Et puis, il y a les autres La mère qui ne dit rien Ou bien n'importe quoi Et du soir au matin Sous sa belle gueule d'apôtre Et dans son cadre en bois Y a la moustache du père Qui est mort d'une glissade Et qui r'garde son troupeau Bouffer la soupe froide Et ça fait des grands flchss Et ça fait des grands flchss Et puis y a la toute vieille Qu'en finit pas d'vibrer Et qu'on attend qu'elle crève Vu qu'c'est elle qu'a l'oseille Et qu'on n'écoute même pas C'que ses pauvres mains racontent Faut vous dire, Monsieur Que chez ces gens-là On n'cause pas, Monsieur On n'cause pas, on compte Et puis et puis Et puis il y a Frida Qui est belle comme un soleil Et qui m'aime pareil Que moi j'aime Frida Même qu'on se dit souvent Qu'on aura une maison Avec des tas de fenêtres Avec presque pas de murs Et qu'on vivra dedans Et qu'il fera bon y être Et que si c'est pas sûr C'est quand même peut-être Parce que les autres veulent pas Parce que les autres veulent pas Les autres ils disent comme ça Qu'elle est trop belle pour moi Que je suis tout juste bon A égorger les chats J'ai jamais tué de chats Ou alors y a longtemps Ou bien j'ai oublié Ou ils sentaient pas bon Enfin ils ne veulent pas Parfois quand on se voit Semblant que c'est pas exprès Avec ses yeux mouillants Elle dit qu'elle partira Elle dit qu'elle me suivra Alors pour un instant Pour un instant seulement Alors moi je la crois, Monsieur Pour un instant Pour un instant seulement Parce que chez ces gens-là Monsieur, on ne s'en va pas On ne s'en va pas, Monsieur On ne s'en va pas Mais il est tard, Monsieur Il faut que je rentre chez moi. Chanson sans paroles Paroles et Musique: J. Brel/F Rauber 1962 J'aurais aimé ma belle T'écrire une chanson Sur cette mélodie Rencontrée une nuit J'aurais aimé ma belle Rien qu'au point d'Alençon T'écrire un long poème T'écrire un long "je t'aime" Je t'aurais dit "amour" Je t'aurais dit "toujours" Mais de mille façons Mais par mille détours Je t'aurais dit "partons" Je t'aurais dit "brûlons Brûlons de jour en jour De saisons en saisons" Mais le temps que s'allume L'idée sur le papier Le temps de prendre une plume Le temps de la tailler Mais le temps de me dire: "Comment vais-je l'écrire?" Et le temps est venu Où tu ne m'aimais plus {2x} Clara Paroles et Musique: Jacques Brel 1961 Je t'aimais tant, Clara Je t'aimais tant Je t'aimais tant, Clara Je t'aimais tant Carnaval à Rio Tu peux toujours danser Carnaval à Rio Tu n'y peux rien changer Je suis mort à Paris Il y a longtemps déjà Il y a longtemps d'ennui Il y a longtemps de toi Je t'aimais tant, Clara Je t'aimais tant Je t'aimais tant, Clara Je t'aimais tant Carnaval à Rio Tu peux toujours chanter Carnaval à Rio Tu n'y peux rien changer Je suis mort à Paris Tombé au champ d'amour Pour un prénom de fille Qui m'avait dit toujours Je t'aimais tant, Clara Je t'aimais tant Je t'aimais tant, Clara Je t'aimais tant Carnaval à Rio Tu peux toujours tourner Carnaval à Rio Tu n'y peux rien changer Je suis mort à Paris De m'être trop trompé De m'être trop meurtri De m'être trop donné Je t'aimais tant, Clara Je t'aimais tant Je t'aimais tant, Clara Je t'aimais tant Carnaval à Rio Tu peux me bousculer Carnaval à Rio Tu n'y peux rien changer Je suis mort à Paris Fusillé par une fleur Au poteau de son lit De douze rires dans le cœur Je t'aimais tant, Clara Je t'aimais tant Je t'aimais tant, Clara Je t'aimais tant Carnaval à Rio Tu peux toujours crier Carnaval à Rio Tu n'y peux rien changer Je suis mort à Paris Il y a mille soirs Il y a mille nuits Il n'y a plus d'espoir Je t'aimais tant, Clara Je t'aimais tant Je t'aimais tant, Clara Je t'aimais tant Carnaval à Rio Tu peux bien me saouler Carnaval à Rio Tu n'y peux rien changer Je suis mort à Paris A Paris que j'enterre Et depuis mille nuits Dans le fond de mon verre Je t'aimais tant, Clara Je t'aimais tant Je t'aimais tant, Clara Je t'aimais tant Carnaval à Rio Tu peux carnavaler Carnaval à Rio Tu n'y peux rien changer Je suis mort à Paris Que la mort me console La mort est par ici La mort est espagnole Je t'aimais tant, Clara Je t'aimais tant Je t'aimais tant, Clara Je t'aimais tant Comment tuer l'amant de sa femme… Paroles et Musique: J. Brel/G. Jouannest 1968 note: Titre exact: "Comment tuer l'amant de sa femme quand on a été élevé comme moi dans la tradition" Comment tuer l'amant de sa femme Quand on a été comme moi élevé Dans les traditions? Comment tuer l'amant de sa femme Quand on a été comme moi élevé Dans la religion? Il me faudrait du temps Et du temps j'en ai pas. Pour elle je travaille tout l'temps La nuit je veille de nuit Le jour je veille de jour Le dimanche je fais des extras. Et même si j'étais moins lâche Je touve que ce serait dommage De salir ma réputation. Bien sûr je dors dans le garage. Bien sûr il dort dans mon lit. Bien sûr c'est moi qui fait l'ménage. Mais qui n'a pas ses p'tits soucis? Comment tuer l'amant de sa femme Quand on a été comme moi élevé Dans les traditions? Il y a l'arsenic, ouais C'est trop long. Il y a le révolver Mais c'est trop court. Il y a l'amitié C'est trop cher. Il y a le mépris C'est un péché. Comment tuer l'amant d'sa femme Quand on a reçu comme moi La croix d'honneur Chez les bonnes sœurs? Comment tuer l'amant d'sa femme Moi qui n'ose même pas Le lui dire avec des fleurs? Comme je n'ai pas l'courage De l'insulter tout l'temps Il dit que l'amour me rend lâche. Comme il est en chômage Il dit en me frappant Que l'amour le rend imprévoyant. Il croit que c'est amusant Pour un homme qui a mon âge Qui n'a plus de femme et onze enfants. Bien sûr je leur fais la cuisine Je bats les chiens et les tapis Le soir je leur chante "Nuit de Chine". Mais qui n'a pas ses p'tits soucis? Pourquoi tuer l'amant d'sa femme Puisque c'est à cause de moi Qu'il est un peu vérolé? Pourquoi tuer l'amant d'ma femme Puisque c'est à cause de moi Qu'il est pénicilliné? De burgerij (Les Bourgeois) Paroles: Jacques Brel, adap: Ernst van Altena. Musique: Jean Corti 1965 "J'arrive" Dronken, dol en dwaas Beet ik in mijn bier Bij de dikke Siaam uit Monverland Ik dronk een glas met Klaas Ik dronk een glas met Peer En sprong er aardig uit de band Die klaas hij voelde zich een Dante Die Peer wou Casanova zijn En ik de superarrogante Ik dacht dat ik mezelf kon zijn En om twaalf uur als de burgertroep Huisging uit hotel de Goudfazant Dan scholden wij ze poep En zongen vol vuur pet in de hand Burgerij, mannen van het jaar nul Vette burgerklik Vette vieze varkens Burgerij tamme zwijnenspul Al die burger is is een ouwe… Dronken, dol en dwaas Beet ik in mijn bier Bij de dikke Siaam uit Monverland Ik dronk een vat met Klaas Ik dronk een fust met Peer En sprong er heftig uit de band Klaas Dante danste als mijn tante En Casanova was te bang Maar ik de superarrogante Was zelfs voor mezelf niet bang En om twaalf uur als de burgertroep Huisging uit hotel de Goudfazant Dan scholden wij ze poep En zongen vol vuur pet in de hand Burgerij, mannen van het jaar nul Vette burgerklik Vette vieze varkens Burgerij tamme zwijnenspul Al die burger is is een ouwe… Elk instinct dwaas Zoek ik mijn vertier 's Avonds in hotel de Goudfazant Met meester-facteur Klaas En met notaris Peer bespreek ik daar de avondkrant En Klaas citeert eens wat uit Dante Of Peer haalt Casanova aan En ik ik bleef de superarrogante Ik haal nog steeds mijn eigen woorden aan Maar gaan wij naar huis Meneer de brigadier Dan staat daar bij die Siaam uit Monverland Een hele troep gespuis Dronken van al het bier Dat zingt dan van Burgerij, mannen van het jaar nul Vette burgerklik Vette vieze varkens Ja meneer de brigadier Ja dat zijn ze Burgerij tamme zwijnenspul Al die burger is is een ouwe… De nuttelozen van de nacht (Les paumés du petit matin) Paroles: Jacques Brel, adapt: Ernst van Altena. Musique: François Rauber 1965 "J'arrive" Ze ontwaken om een uur om vier Ze ontbijten met een kleintje bier Ze gaan uit omdat er thuis niets wacht De nuttelozen van de nacht Zij gedraagt zich arrogant omdat ze mooie borsten heeft Hij is zeker en charmant omdat Papa hem centen geeft Hun onmacht is hun hoogste macht De nuttelozen van de nacht Kom dans met mij Vriendin, kom hier, vriendin, kom hier, kom Hier; nee, nee blijf! Kom dans met mij, laat ons dansen lijf aan lijf Ze braken zonder ziek te zijn Ze braken zacht en zonder pijn Ze nemen zich bedroefd de nacht De nuttelozen van de nacht Ze bespreken zonder end De poezie die geen van hen kent De romans die geen van hen schreef De vrouw die bij geen van hen bleef De grap waarom geen van hen om lacht De nuttelozen van de nacht Kom dans met mij Vriendin, kom hier, vriendin, kom hier, kom hier; nee, nee blijf! Kom dans met mij, laat ons dansen lijf aan lijf In de liefde zijn ze zo berooid 't Was, 't was, ze was zo zacht Ze was, ach, dat begrijp u nooit De nuttelozen van de nacht Ze nemen nog een laatste glas Vertellen nog een laatste grap En met een allerlaatste glas De laatste dans De laatste stap Het laatste verdriet De laatste klacht De nuttelozen van de nacht Kom, kom, kom huil met mij Vriendin, kom hier, vriendin, kom hier, kom hier, nee blijf Kom, kom huil met mij Laat ons huilen lijf aan lijf De nuttelozen van de nacht Demain l'on se marie Paroles et Musique: Jacques Brel 1958 Puisque demain l'on se marie Apprenons la même chanson Puisque demain s'ouvre la vie Dis-moi ce que nous chanterons Nous forcerons l'amour A bercer notre vie D'une chanson jolie Qu'à deux nous chanterons Nous forcerons l'amour Si tu le veux, ma mie A n'être de nos vies Que l'humble forgeron Puisque demain l'on se marie Apprenons la même chanson Puisque demain s'ouvre la vie Dis-moi ce que nous y verrons Nous forcerons nos yeux A ne jamais rien voir Que la chose jolie Qui vit en chaque chose Nous forcerons nos yeux A n'être qu'un espoir A deux nous offrirons Comme on offre une rose Puisque demain l'on se marie Apprenons la même chanson Puisque demain s'ouvre la vie Dis-moi encore où nous irons Nous forcerons les portes Des pays d'orient A s'ouvrir devant nous Devant notre sourire Nous forcerons, ma mie Le sourire des gens A n'être plus jamais Une joie qui soupire Puisque demain s'ouvre la vie Ouvrons la porte à ces chansons Puisque demain l'on se marie Apprenons la même chanson Dites, si c'était vrai Paroles: Jacques Brel 1958 Dites, dites, si c'était vrai S'il était né vraiment à Bethléem, dans une étable Dites, si c'était vrai Si les rois Mages étaient vraiment venus de loin, de fort loin Pour lui porter l'or, la myrrhe, l'encens Dites, si c'était vrai Si c'était vrai tout ce qu'ils ont écrit Luc, Matthieu Et les deux autres, Dites, si c'était vrai Si c'était vrai le coup des Noces de Cana Et le coup de Lazare Dites, si c'était vrai Si c'était vrai ce qu'ils racontent les petits enfants Le soir avant d'aller dormir Vous savez bien, quand ils disent Notre Père, quand ils disent Notre Mère Si c'était vrai tout cela Je dirais oui Oh, sûrement je dirais oui Parce que c'est tellement beau tout cela Quand on croit que c'est vrai. Dors ma mie Paroles et Musique: F. Rauber/J. Brel 1958 Dors ma mie Dehors la nuit est noire Dors ma mie bonsoir Dors ma mie C'est notre dernier soir Dors ma mie bonsoir Sur les fleurs qui ferment leurs paupières Pleure la pluie légère Et l'oiseau qui chantera l'aurore Dors et rêve encor' Ainsi demain déjà Serai seul à nouveau Et tu m'auras perdu Rien qu'en me voulant trop Tu m'auras gaspillé A te vouloir bâtir Un bonheur éternel Ennuyeux à périr Au lieu de te pencher Vers moi tout simplement Moi qui avais besoin Si fort de ton printemps Non les filles que l'on aime Ne comprendront jamais Qu'elles sont à chaque fois Notre dernier muguet Notre dernière chance Notre dernier sursaut Notre dernier départ notre dernier bateau Dors ma mie Dehors la nuit est noire Dors ma mie bonsoir Dors ma mie c'est notre dernier soir Dors ma mie je pars Fernand Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest 1965 Dire que Fernand est mort Dire qu'il est mort Fernand Dire que je suis seul derrière Dire qu'il est seul devant Lui dans sa dernière bière Moi dans mon brouillard Lui dans son corbillard Moi dans mon désert Devant y a qu'un cheval blanc Derrière y a que moi qui pleure Dire qu'a même pas de vent Pour agiter mes fleurs Moi si j'étais l'bon Dieu Je crois qu'j'aurais des r'mords Dire que maintenant il pleut Dire que Fernand est mort Dire qu'on traverse Paris Dans le tout p'tit matin Dire qu'on traverse Paris Et qu'on dirait Berlin Toi, toi, toi tu sais pas Tu dors mais c'est triste à mourir D'être obligé d'partir Quand Paris dort encore Moi je crève d'envie De réveiller des gens J't'inventerai une famille Juste pour ton enterrement Et puis si j'étais l'bon Dieu Je crois qu'je serais pas fier Je sais, on fait c'qu'on peut Mais y a la manière Tu sais, je reviendrai Je reviendrai souvent Dans ce putain de champ Où tu dois t'reposer L'été, j'te f'rai de l'ombre On boira du silence A la santé d'Constance Qui s'en fout bien d'ton ombre Et puis les adultes sont tellement cons Qu'ils nous feront bien une guerre Alors je viendrai pour de bon Dormir dans ton cimetière Et maintenant bon Dieu Tu vas bien rigoler Et maintenant bon Dieu Et maintenant j'vais pleurer Fils de… Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest 1967 "Jacques Brel '67" Fils de bourgeois Ou fils d'apôtres Tous les enfants Sont comme les vôtres Fils de César Ou fils de rien Tous les enfants Sont comme le tien Le même sourire Les mêmes larmes Les mêmes alarmes Les mêmes soupirs Fils de César Ou fils de rien Tous les enfants Sont comme le tien Ce n'est qu'après Longtemps après Mais fils de sultan Fils de fakir Tous les enfants Ont un empire Sous voûtes d'or Sous toit de chaumes Tous les enfants Ont un royaume Un coin de vague Une fleur qui tremble Un oiseau mort Qui leur ressemble Fils de sultan Fils de fakir Tous les enfants Ont un empire Ce n'est qu'après Longtemps après Mais fils de ton fils Ou fils d'étranger Tous les enfants Sont des sorciers Fils de l'amour Fils d'amourettes Tous les enfants Sont des poètes Ils sont bergers Ils sont rois mages Font des nuages Pour mieux voler Mais fils de ton fils Ou fils d'étranger Tous les enfants Sont des sorciers Ce n'est qu'après Longtemps après Mais fils de bourgeois Ou fils d'apôtres Tous les enfants Sont comme les vôtres Fils de César Ou fils de rien Tous les enfants Sont comme le tien Le même sourire Les mêmes larmes Les mêmes alarmes Les mêmes soupirs Fils de César Ou fils de rien Tous les enfants Sont comme le tien Grand Jacques (C'est trop facile) Paroles et Musique: Jacques Brel 1955 autres interprètes: Les Croquants (1999) C'est trop facile d'entrer aux églises De déverser toutes sa saleté Face au curé qui dans la lumière grise Ferme les yeux pour mieux nous pardonner Tais-toi donc Grand Jacques Que connais-tu du bon Dieu? Un cantique une image Tu n'en connais rien de mieux C'est trop facile quand les guerres sont finies D'aller gueuler que c'était la dernière Amis bourgeois vous me faites envie Vous ne voyez donc point vos cimetières Tais-toi donc Grand Jacques Laisse-les donc crier Laisse-les pleurer de joie Toi qui ne fus même pas soldat C'est trop facile quand un amour se meurt Qu'il craque en deux parce qu'on l'a trop plié D'aller pleurer comme les hommes pleurent Comme si l'amour durait l'éternité Tais-toi donc Grand Jacques Que connais-tu de l'amour? Des yeux bleus des cheveux fous Tu n'en connais rien du tout Et dis-toi donc Grand Jacques {2x} Dis-le-toi bien souvent C’est trop facile C’est trop facile De faire semblant Grand'Mère Paroles et Musique: Jacques Brel 1966 Faut voir grand-mère Grand-mère et sa poitrine Grand-mère et ses usines Et ses vingt secrétaires Faut voir mère-grand Diriger ses affaires Elle vend des courants d'air Déguisés en coups de vent Faut voir grand-mère Quand elle compte son magot Ça fait des tas de zéros Pointés comme son derrière Mais pendant c'temps-là Grand-père court après la bonne En lui disant que l'argent Ne fait pas le bonheur Comment voulez-vous bonnes gens Que nos bonnes bonnes Et nos petits épargnants Aient le sens des valeurs? Faut voir grand-mère C'est une tramontane Qui fume le Havane Et fait trembler la Terre Faut voir grand-mère Cerclée de généraux Être culotte de peau Et gagner leur guéguerre Faut voir grand-mère Dressée sous son chapeau C'est Waterloo Où s'rait pas venu Blücher Mais pendant c'temps-là Grand-père court après la bonne En lui disant que l'armée Elle bat l'beurre Comment voulez-vous bonnes gens Que nos bonnes bonnes Et nos chers pioupious Aient le sens des valeurs? Faut voir grand-mère S'assurer sur la mort Un p'tit coup d'presbytère Un p'tit coup de r'mords Faut voir grand-mère Et ses ligues de vertu Ses anciens combattants Ses anciens combattus Faut voir grand-mère Quand elle se croit pécheresse Un grand verre de grand-messe Et un doigt de couvent Mais pendant c'temps-là Grand-père court après la bonne En lui disant que les curés Sont farceurs Comment voulez-vous bonnes gens Que nos bonnes bonnes Et nos petits incroyants Aient le sens des valeurs? Mais il faut voir grand-père Dans les bistrots bavards Où claquent les billards Et les chopes de bière Faut voir père-grand Caresser les roseaux Effeuiller les étangs Et pleurer du Rimbaud Faut voir grand-père Dimanche finissant Honteux et regrettant D'avoir trompé grand-mère Mais pendant c'temps-là Grand-mère se tape la bonne En lui disant que les hommes Sont menteurs Comment voulez-vous bonnes gens Que nos bonnes bonnes Et notre belle jeunesse Aient le sens des valeurs? Heureux Paroles et Musique: Jacques Brel 1957 autres interprètes: Isabelle Aubret (1975) Heureux qui chante pour l'enfant Et qui sans jamais rien lui dire Le guide au chemin triomphant Heureux qui chante pour l'enfant Heureux qui sanglote de joie Pour s'être enfin donné d'amour Ou pour un baiser que l'on boit Heureux qui sanglote de joie Heureux les amants séparés Et qui ne savent pas encor' Qu'ils vont demain se retrouver Heureux les amants séparés Heureux les amants épargnés Et dont la force de vingt ans Ne sert à rien qu'à bien s'aimer Heureux les amants épargnés Heureux les amants que nous sommes Et qui demain loin l'un de l'autre S'aimeront s'aimeront Par-dessus les hommes Il neige sur Liège Paroles et Musique: Jacques Brel 1963 note: du film "Belgique vue du ciel" Il neige il neige sur Liège Et la neige sur Liège pour neiger met des gants Il neige il neige sur Liège Croissant noir de la Meuse sur le front d'un clown blanc Il est brisé le cri Des heures et des oiseaux Des enfants à cerceaux Et du noir et du gris Il neige il neige sur Liège Que le fleuve traverse sans bruit Il neige il neige sur Liège Et tant tourne la neige entre le ciel et Liège Qu'on ne sait plus s'il neige s'il neige sur Liège Ou si c'est Liège qui neige vers le ciel Et la neige marie Les amants débutants Les amants promenant Sur le carré blanchi Il neige il neige sur Liège Que le fleuve transporte sans bruit Ce soir ce soir il neige sur mes rêves et sur Liège Que le fleuve transperce sans bruit Il nous faut regarder Paroles et Musique: Jacques Brel 1954 autres interprètes: Barbara (1972) Derrière la saleté S'étalant devant nous Derrière les yeux plissés Et les visages mous Au-delà de ces mains Ouvertes ou fermées Qui se tendent en vain Ou qui sont poing levé Plus loin que les frontières Qui sont de barbelés Plus loin que la misère Il nous faut regarder Il nous faut regarder Ce qu'il y a de beau Le ciel gris ou bleuté Les filles au bord de l'eau {x2} L'ami qu'on sait fidèle Le soleil de demain Le vol d'une hirondelle Le bateau qui revient Par-delà le concert Des sanglots et des pleurs Et des cris de colère Des hommes qui ont peur Par-delà le vacarme Des rues et des chantiers Des sirènes d'alarme Des jurons de charretier Plus fort que les enfants Qui racontent les guerres Et plus fort que les grands Qui nous les ont fait faire Il nous faut écouter L'oiseau au fond des bois Le murmure de l'été Le sang qui monte en soi {x2} Les berceuses des mères Les prières des enfants Et le bruit de la terre Qui s'endort doucement Il peut pleuvoir Paroles: Jacques Brel. Musique: G. Powell 1955 { Refrain: } Il peut pleuvoir Sur les trottoirs Des grands boulevards Moi je m'en fiche J'ai ma mie Auprès de moi Il peut pleuvoir Sur les trottoirs Des grands boulevards Moi je m'en fiche Car ma mie C'est toi Et au soleil là-haut Qui nous tourne le dos Dans son halo de nuages Et au soleil là-haut Qui nous tourne le dos Moi je crie: "Bon voyage!" {au Refrain} Les flaques d'eau qui brillent Sous les jambes des filles Aux néons étincelants Qui lancent dans la vie Leur postillons de pluie Je crie en rigolant: {au Refrain} Et aux gens qui s'en viennent Et aux gens qui s'en vont Jour et nuit tournez en rond Et aux gens qui s'en viennent Et aux gens qui s'en vont Moi je crie à pleins poumons: Y a plein d'espoir Sur les trottoirs Des grands boulevards Et j'en suis riche J'ai ma mie Auprès de moi Y a plein d'espoir Sur les trottoirs Des grands boulevards Et j'en suis riche Car ma mie C'est toi C'est toi! Il pleut (Les carreaux) Paroles: Jacques Brel. Musique: G. Powell 1955 Il pleut C'est pas ma faute à moi Les carreaux de l’usine Sont toujours mal lavés Il pleut Les carreaux de l’usine Y en beaucoup d'cassés Les filles qui vont danser Ne me regardent pas Car elles s'en vont danser Avec tous ceux-là Qui savent leur payer Pour pouvoir s'amuser Des fleurs de papier Ou de l'eau parfumée Les filles qui vont danser Ne me regardent pas Car elles s'en vont danser Avec tous ceux-là Il pleut C'est pas ma faute à moi Les carreaux de l’usine Sont toujours mal lavés Les corridors crasseux Sont les seuls que je vois Les escaliers qui montent Ils sont toujours pour moi Mais quand je suis Seul sous les toits Avec le soleil Avec les nuages J'entends la rue pleurer Je vois les cheminées De la ville fumer Doucement dans mon ciel à moi La lune danse Pour moi le soir Elle danse danse Elle danse danse Et son haleine Immense halo, me caresse Le ciel est pour moi Je m'y plonge le soir Et j'y plonge ma peine Il pleut Et c'est ma faute à moi Les carreaux de l’usine Sont toujours mal lavés Il pleut Les carreaux de l’usine Moi j'irai les casser Il y a Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, Lou Logist 1953 Il y a tant de brouillard dans les ports, au matin Qu'il n'y a de filles dans le cœur des marins Il y a tant de nuages qui voyagent là-haut Qu'il n'y a d'oiseaux Il y a tant de labours, il y a tant de semences Qu'il n'y a de joie, d'espérance Il y a tant de ruisseaux, il y a tant de rivières Qu'il n'y a de cimetières Mais il y a tant de bleu dans les yeux de ma mie Il y a dans ses yeux tant de vie Il y a dans ses cheveux un peu d'éternité Sur sa lèvre tant de gaieté Il y a tant de lumières dans les rues des cités Qu'il n'y a d'enfants désolés Il y a tant de chansons perdues dans le vent Qu'il n'y a d'enfants Il y a tant de vitraux, il y a tant de clochers Qu'il n'y a de voix qui nous disent d'aimer Il y a tant de canaux qui traversent la terre Qu'il n'y a de rides au visage des mères Mais il y a tant de bleu dans les yeux de ma mie Il y a dans ses yeux tant de vie Il y a dans ses cheveux un peu d'éternité Sur sa lèvre tant, tant de gaieté. Isabelle Paroles et Musique: J. Brel/J. Brel-F. Rauber 1959 Quand Isabelle dort plus rien ne bouge Quand Isabelle dort au berceau de sa joie Sais-tu qu'elle vole la coquine Les oasis du Sahara Les poissons dorés de la Chine Et les jardins de l'Alhambra Quand Isabelle dort plus rien ne bouge Quand Isabelle dort au berceau de sa joie Elle vole les rêves et les jeux D'une rose et d'un bouton d'or Pour se les poser dans les yeux Belle Isabelle quand elle dort Quand Isabelle rit plus rien ne bouge Quand Isabelle rit au berceau de sa joie Sais-tu qu'elle vole la cruelle Le rire des cascades sauvages Qui remplacent les escarcelles Des rois qui n'ont pas d'équipages Quand Isabelle rit plus rien ne bouge Quand Isabelle rit au berceau de sa joie Elle vole les fenêtres de l'heure Qui s'ouvrent sur le paradis Pour se les poser dans le cœur Belle Isabelle quand elle rit Quand Isabelle chante plus rien ne bouge Quand Isabelle chante au berceau de sa joie Sais-tu qu'elle vole la dentelle Tissée au cœur de rossignol Et les baisers que les ombrelles Empêchent de prendre leur vol Quand Isabelle chante plus rien ne bouge Quand Isabelle chante au berceau de sa joie Elle vole le velours et la soie Qu'offre la guitare à l'infante Pour se les poser dans la voix Belle Isabelle quand elle chante J'aimais Paroles et Musique: J. Brel/G. Jouannest/F. Rauber 1963 J'aimais les fées et les princesses Qu'on me disait n'exister pas J'aimais le feu et la tendresse Tu vois je vous rêvais déjà J'aimais les tours hautes et larges Pour voir au large venir l'amour J'aimais les tours de cœur de garde Tu vois je vous guettais déjà J'aimais le col ondoyant des vagues Les saules nobles languissant vers moi J'aimais la ligne tournante des algues Tu vois je vous savais déjà J'aimais courir jusqu'à tomber J'aimais la nuit jusqu'au matin Je n'aimais rien non j'ai adoré Tu vois je vous aimais déjà J'aimais l'été pour ses orages Et pour la foudre sur le toit J'aimais l'éclair sur ton visage Tu vois je vous brûlais déjà J'aimais la pluie noyant l'espace Au long des brumes du pays plat J'aimais la brume que le vent chasse Tu vois je vous pleurais déjà J'aimais la vigne et le houblon Les villes du Nord les laides de nuit Les fleuves profonds m'appelant au lit Tu vois je vous oubliais déjà J'arrive Paroles et Musique: Jacques Brel 1968 autres interprètes: Juliette Gréco (1970) De chrysanthèmes en chrysanthèmes Nos amitiés sont en partance De chrysanthèmes en chrysanthèmes La mort potence nos dulcinées De chrysanthèmes en chrysanthèmes Les autres fleurs font ce qu'elles peuvent De chrysanthèmes en chrysanthèmes Les hommes pleurent, les femmes pleuvent J'arrive, j'arrive Mais qu'est-ce que j'aurais bien aimé Encore une fois traîner mes os Jusqu'au soleil jusqu'à l'été Jusqu’au printemps, jusqu’à demain J'arrive, j'arrive Mais qu'est-ce que j'aurais bien aimé Encore une fois voir si le fleuve Est encore fleuve, voir si le port Est encore port, m'y voir encore J'arrive, j'arrive Mais pourquoi moi, pourquoi maintenant Pourquoi déjà et où aller? J'arrive bien sûr, j'arrive N'ai-je jamais rien fait d'autre qu'arriver? De chrysanthèmes en chrysanthèmes A chaque fois plus solitaire De chrysanthèmes en chrysanthèmes A chaque fois surnuméraire J'arrive, j'arrive Mais qu'est-ce que j'aurais bien aimé Encore une fois prendre un amour Comme on prend le train pour plus être seul Pour être ailleurs pour être bien J'arrive, j'arrive Mais qu'est-ce que j'aurais bien aimé Encore une fois remplir d'étoiles Un corps qui tremble et tomber mort Brûlé d'amour le cœur en cendres J'arrive, j'arrive C'est même pas toi qui es en avance C'est déjà moi qui suis en r'tard J'arrive, bien sûr j'arrive N'ai-je jamais rien fait d'autre qu'arriver? J'en appelle Paroles et Musique: Jacques Brel 1957 J'en appelle aux maisons écrasées de lumière J'en appelle aux amours que chantent les rivières A l'éclatement bleu des matins de printemps A la force jolie des filles qui ont vingt ans A la fraîcheur certaine d'un vieux puits de désert A l'étoile qu'attend le vieil homme qui se perd Pour que monte de nous et plus fort qu'un désir Le désir incroyable de se vouloir construire En se désirant faible et plutôt qu'orgueilleux En se désirant lâche plutôt que monstrueux J'en appelle à ton rire que tu croques au soleil J'en appelle à ton cri à nul autre pareil Au silence joyeux qui parle doucement A ces mots que l'on dit rien qu'en se regardant A la pesante main de notre amour sincère A nos vingt ans trouvés à tout ce qu'ils espèrent Pour que monte de nous et plus fort qu'un désir Le désir incroyable de se vouloir construire En préférant plutôt que la gloire inutile Et le bonheur profond et puis la joie tranquille J'en appelle aux maisons écrasées de lumière J'en appelle à ton cri à nul autre pareil Jaurès Paroles et Musique: Jacques Brel 1977 Ils étaient usés à quinze ans Ils finissaient en débutant Les douze mois s'appelaient décembre Quelle vie ont eu nos grand-parents Entre l'absinthe et les grand-messes Ils étaient vieux avant que d'être Quinze heures par jour le corps en laisse Laissent au visage un teint de cendres Oui notre Monsieur, oui notre bon Maître Pourquoi ont-ils tué Jaurès? Pourquoi ont-ils tué Jaurès? On ne peut pas dire qu'ils furent esclaves De là à dire qu'ils ont vécu Lorsque l'on part aussi vaincu C'est dur de sortir de l'enclave Et pourtant l'espoir fleurissait Dans les rêves qui montaient aux cieux Des quelques ceux qui refusaient De ramper jusqu'à la vieillesse Oui notre bon Maître, oui notre Monsieur Pourquoi ont-ils tué Jaurès? Pourquoi ont-ils tué Jaurès? Si par malheur ils survivaient C'était pour partir à la guerre C'était pour finir à la guerre Aux ordres de quelque sabreur Qui exigeait du bout des lèvres Qu'ils aillent ouvrir au champ d'horreur Leurs vingt ans qui n'avaient pu naître Et ils mouraient à pleine peur Tout miséreux oui notre bon Maître Couverts de prèles oui notre Monsieur Demandez-vous belle jeunesse Le temps de l'ombre d'un souvenir Le temps de souffle d'un soupir Pourquoi ont-ils tué Jaurès? Pourquoi ont-ils tué Jaurès? Je ne sais pas Paroles et Musique: Jacques Brel 1958 autres interprètes: Isabelle Aubret (1975) Je ne sais pas pourquoi la pluie Quitte là-haut ses oripeaux Que sont les lourds nuages gris Pour se coucher sur nos coteaux Je ne sais pas pourquoi le vent S'amuse dans les matins clairs A colporter les rires d'enfants Carillons frêles de l'hiver Je ne sais rien de tout cela Mais je sais que je t'aime encore Je ne sais pas pourquoi la route Qui me pousse vers la cité A l'odeur fade des déroutes De peuplier en peuplier Je ne sais pas pourquoi le voile Du brouillard glacé qui m'escorte Me fait penser aux cathédrales Où l'on prie pour les amours mortes Je ne sais rien de tout cela Mais je sais que je t'aime encore Je ne sais pas pourquoi la ville M'ouvre ses remparts de faubourgs Pour me laisser glisser fragile Sous la pluie parmi ses amours Je ne sais pas pourquoi ces gens Pour mieux célébrer ma défaite Pour mieux suivre l'enterrement Ont le nez collé aux fenêtres Je ne sais rien de tout cela Mais je sais que je t'aime encore Je ne sais pas pourquoi ces rues S'ouvrent devant moi une à une Vierges et froides, froides et nues Rien que mes pas et pas de lune Je ne sais pas pourquoi la nuit Jouant de moi comme guitare M'a forcé à venir ici Pour pleurer devant cette gare Je ne sais rien de tout cela Mais je sais que je t'aime encore Je ne sais pas à quelle heure part Ce triste train pour Amsterdam Qu'un couple doit prendre ce soir Un couple dont tu es la femme Et je ne sais pas pour quel port Part d'Amsterdam ce grand navire Qui brise mon cœur et mon corps Notre amour et mon avenir Je ne sais rien de tout cela Mais je sais que je t'aime encore Mais je sais que je t'aime encore Je prendrai 1958 Je prendrai Dans les yeux d'un ami Ce qu'il y a de plus chaud,de plus beau Et de plus tendre aussi Qu'on ne voit que deux ou trois fois Durant toute une vie Et qui fait que cet ami est notre ami Je prendrai Un nuage de ma jeunesse Qui passait rond et blanc Par-dessus ma tête et souvent Et qui aux jours de faiblesse Ressemblait à ma mère Et aux jours de colère à un lion Un beau nuage douillet et rond et confortable Je prendrai Ce ruisseau clair et frêle d'avril Qui disparaît aux premiers froids Qui disparaît tout l'hiver Et coule alors paraît-il sur la table des Noces de Cana Je prendrai Ma lampe, ma meilleure Pas celle qui éclaire Non, celle qui illumine Et rend joli et appelle de loin Je prendrai Un lit, un grand, le mien Et qui sait ce que c'est qu'un homme Et son chagrin Un grand lit d'être humain Je prendrai tout cela Et puis je bâtirai Je bâtirai et j'appellerai les gens Qui passeront dans la rue Et je leur montrerai Ma crèche de Noël Je suis un soir d'été Paroles et Musique: Jacques Brel 1968 Et la sous-préfecture Fête la sous-préfète Sous le lustre à facettes Il pleut des orangeades Et des champagnes tièdes Et des propos glacés Des femelles maussades De fonctionnarisés Je suis un soir d'été Aux fenêtres ouvertes Les dîneurs familiaux Repoussent leurs assiettes Et disent qu'il fait chaud Les hommes lancent des rots De chevaliers teutons Les nappes tombent en miettes Par-dessus les balcons Je suis un soir d'été Aux terrasses brouillées Quelques buveurs humides Parlent de haridelles Et de vieilles perfides C'est l'heure où les bretelles Soutiennent le présent Des passants répandus Et des alcoolisants Je suis un soir d'été De lourdes amoureuses Aux odeurs de cuisine Promènent leur poitrine Sur les flancs de la Meuse Il leur manque un soldat Pour que l'été ripaille Et monte vaille que vaille Jusqu'en haut de leurs bas Je suis un soir d'été Aux fontaines les vieux Bardés de références Rebroussent leur enfance A petits pas pluvieux Ils rient de toute une dent Pour croquer le silence Autour des filles qui dansent A la mort d'un printemps Je suis un soir d'été La chaleur se vertèbre Il fleuve des ivresses L'été a ses grand-messes Et la nuit les célèbre La ville aux quatre vents Clignote le remords Inutile et passant De n'être pas un port Je suis un soir d'été Je t'aime Paroles et Musique: F. Bauber, J. Brel 1959 Pour la rosée qui tremble au calice des fleurs De n'être pas aimée et ressemble à ton cœur Je t'aime Pour le doigt de la pluie au clavecin de l'étang Jouant page de lune et ressemble à ton chant Je t'aime Pour l'aube qui balance sur le fil d'horizon Lumineuse et fragile et ressemble à ton front Je t'aime Pour l'aurore légère qu'un oiseau fait frémir En la battant de l'aile et ressemble à ton rire Je t'aime Pour le jour qui se lève et dentelle le bois Au point de la lumière et ressemble à ta joie Je t'aime Pour le jour qui revient d'une nuit sans amour Et ressemble déjà, ressemble à ton retour Je t'aime Pour la porte qui s'ouvre, pour le cri qui jaillit Ensemble de deux cœurs et ressemble à ce cri Je t’aime Je t’aime Je t’aime Jef Paroles et Musique: Jacques Brel 1964 Non, Jef, t'es pas tout seul Mais arrête de pleurer Comme ça devant tout l’monde Parce qu'une demi-vieille Parce qu'une fausse blonde T'a relaissé tomber Non, Jef, t'es pas tout seul Mais tu sais qu’tu m’fais honte A sangloter comme ça Bêtement devant tout l’monde Parce qu'une trois quarts putain T'a claqué dans les mains Non, Jef, t'es pas tout seul Mais tu fais honte à voir Les gens se paient not’ tête Foutons l’camp de c’trottoir Viens, Jef, viens, viens, viens! { Refrain: } Viens, il me reste trois sous On va aller s’les boire Chez la mère Françoise Viens, Jef, viens Viens, il me reste trois sous Et si c'est pas assez Ben il m’restera l'ardoise Puis on ira manger Des moules et puis des frites Des frites et puis des moules Et du vin de Moselle Et si t'es encore triste On ira voir les filles Chez la madame Andrée Paraît qu’y en a d’nouvelles On r’chantera comme avant On s’ra bien tous les deux Comme quand on était jeunes Comme quand c'était le temps Que j’avais d’l’argent Non, Jef, t'es pas tout seul Mais arrête tes grimaces Soulève tes cent kilos Fais bouger ta carcasse Je sais qu’t’as le cœur gros Mais il faut le soulever, Jef Non Jef t'es pas tout seul Mais arrête de sangloter Arrête de te répandre Arrête de répéter Qu’t’es bon à t’ outre à l’eau Qu’t'es bon à te pendre Non, Jef, t'es pas tout seul Mais c'est plus un trottoir Ça d’vient un cinéma Où les gens viennent te voir Viens, Jef, allez viens, viens! { Refrain: } Viens, il me reste ma guitare Je l'allumerai pour toi Et on s’ra espagnols Jef, viens, viens Comme quand on était mômes Même que j'aimais pas ça T'imiteras l’rossignol Jef, Puis on s’trouvera un banc On parlera d’l’Amérique Où c'est qu'on va aller, tu sais Quand on aura du fric Jef, viens Et si t'es encore triste Ou rien qu’si t’en as l’air J’te raconterai comment Tu d’viendras Rockefeller On s’ra bien tous les deux On r’chantera comme avant Comme quand on était beaux Jef, Comme quand c'était l’temps D'avant qu'on soit poivrots Allez viens Jef, viens Ouais! Ouais, Jef, ouais, viens! Jojo Paroles et Musique: Jacques Brel 1977 Jojo Voici donc quelques rires Quelques vins, quelques blondes J'ai plaisir à te dire Que la nuit sera longue A devenir demain Jojo Moi je t'entends rugir Quelques chansons marines Où des Bretons devinent Que Saint-Cast doit dormir Tout au fond du brouillard Six pieds sous terre Jojo Tu chantes encore Six pieds sous terre Tu n’es pas mort Jojo Ce soir comme chaque soir Nous refaisons nos guerres Tu reprends Saint-Nazaire Je refais l'Olympia Au fond du cimetière Jojo Nous parlons en silence D'une jeunesse vieille Nous savons tous les deux Que le monde sommeille Par manque d'imprudence Six pieds sous terre Jojo Tu chantes encore Six pieds sous terre Tu n’es pas mort Jojo Tu me donnes en riant Des nouvelles d'en bas Je te dis: "Mort aux cons!" Bien plus cons que toi Mais qui sont mieux portants Jojo Tu sais le nom des fleurs Tu vois que mes mains tremblent Et je te sais qui pleure Pour noyer de pudeur Mes pauvres lieux communs Six pieds sous terre Jojo Tu chantes encore Six pieds sous terre Tu n’es pas mort Jojo. Je te quitte au matin Pour de vagues besognes Parmi quelques ivrognes Des amputés du cœur Qui ont trop ouvert les mains Jojo Je ne rentre plus nulle part Je m'habille de nos rêves Orphelin jusqu'aux lèvres Mais heureux de savoir Que je te viens déjà Six pieds sous terre Jojo Tu n'es pas mort Six pieds sous terre Jojo Je t'aime encore Knokke-le-Zoute tango Paroles et Musique: Jacques Brel 1977 "Barclay" note: Extrait de la comédie musicale "Vilebrequin". Les soirs où je suis Argentin Je m'offre quelques Argentines Quitte à cueillir dans les vitrines Des jolis quartiers d'Amsterdam Des lianes qui auraient ce teint de femme Qu'exportent vos cités latines Ces soirs-là je les veux félines Avec un rien de brillantine Collée au "ceveu" de la langue Elles seraient fraîches comme des mangues Et compenseraient leur maladresse À coups de poitrine et de fesses Mais ce soir Y a pas d'Argentines Y a pas d'espoir Y a pas d'doute Non ce soir Il pleut sur Knokke-le-Zoute Ce soir comme tous les soirs Je me rentre chez moi Le cœur en déroute Et la bite sous l'bras Les soirs où je suis Espagnol Petites fesses, grande bagnole Elles passent toutes à la casserole Quitte à pourchasser dans Hambourg Des Carmencitas de faubourg Qui nous reviennent de vérole Je me les veux fraîches et joyeuses Bonnes travailleuses sans parlotes Mi-Andalouses, mi-anguleuses De ces femelles qu'on gestapote Parce qu'elles ne savent pas encore Que Franco est tout à fait mort Mais ce soir Y a pas d'Espagnoles Y a pas de casseroles Y a pas d'doute Non ce soir Il pleut sur Knokke-le-Zoute Ce soir comme tous les soirs Je me rentre chez moi Le cœur en déroute Et la bite sous l'bras Les soirs où je suis Caracas Je Panama, je Partagas Je suis l'plus beau Je pars en chasse Je glisse de palace en palace Pour y dénicher le gros lot Qui n'attend que mon coup de grâce Je la veux folle comme un travelo Découverte de vieux rideaux Mais cependant t-évanescente Elle m'attendrait depuis toujours Cerclée de serpents et de plantes Parmi les livres de Dutourd Mais ce soir Y a pas de Caracas Y a pas de t-évanescentes Y a pas d'doute Mais ce soir Il pleut sur Knokke-le-Zoute Ce soir comme tous les soirs Je me rentre chez moi Le cœur en déroute Et la bite sous l'bras Demain oui Peut être que… Peut être que demain je serai Argentin… oui Je m'offrirai des Argentines Quitte à cueillir dans les vitrines Des jolis quartiers d'Amsterdam Des lianes qui auraient ce teint de femme Qu'exportent vos cités latines Demain je les voudrai félines Avec ce rien de brillantine Collée aux cheveux de la langue Elles seront fraîches comme des mangues Et compenseront leur maladresse À coups de poitrine et de fesses Demain je serai Espagnol Petites fesses, grande bagnole Elles passeront toutes à la casserole Quitte à pourchasser dans Hambourg Des Carmencitas de faubourg Qui nous reviendront de vérole Je les voudrai fraîches et joyeuses Bonnes travailleuses, sans parlotte Mi-Andalouses, mi-anguleuses De ces femelles qu'on gestapote Parce qu'elles ne savent pas encore Que Franco est tout à fait mort Les soirs depuis Caracas Je Panama, je Partagas Je suis l'plus beau Je pars en chasse Je glisse de palace en palace Pour y dénicher le gros lot Qui n'attend que mon coup de grâce Je la veux folle comme un travelo Découverte de vieux rideaux Mais cependant t-évanescente Elle m'attendrait depuis toujours Cerclée de serpents et de plantes Parmi les livres de Dutourd L'âge idiot Paroles: Jacques Brel 1966 "Jef" L'âge idiot, c'est à vingt fleurs Quand le ventre brûle de faim Qu'on croit se laver le cœur Rien qu'en se lavant les mains Qu'on a les yeux plus grands qu'le ventre Qu'on a les yeux plus grands qu'le cœur Qu'on a le cœur encore trop tendre Qu'on a les yeux encore pleins d'fleurs Mais qu'on sent bon les champs de luzerne L'odeur des tambours mal battus Qu'on sent les clairons refroidis Et les lits de petite vertu Et qu'on s'endort toutes les nuits Dans les casernes L'âge idiot, c'est à trente fleurs Quand le ventre prend naissance Quand le ventre prend puissance Qu'il vous grignote le cœur Quand les yeux se font plus lourds Quand les yeux marquent les heures Eux qui savent qu'à trente fleurs Commence le compte à rebours Qu'on r'jette les vieux dans leur caverne Qu'on offre à Dieu des bonnets d'âne Mais que le soir on s'allume des feux En frottant deux cœurs de femmes Et qu'on regrette déjà un peu Le temps des casernes L'âge idiot c'est soixante fleurs Quand le ventre se ballotte Quand le ventre ventripote Qu'il vous a bouffé le cœur Quand les yeux n'ont plus de larmes Quand les yeux tombent en neige Quand les yeux perdent leurs pièges Quand les yeux rendent les armes Qu'on se ressent de ses amours Mais qu'on se sent des patiences Pour des vieilles sur le retour Ou des trop jeunes en partance Et qu'on se croit protégé Par les casernes L'âge d'or c'est quand on meurt Qu'on se couche sous son ventre Qu'on se cache sous son ventre Les mains protégeant le cœur Qu'on a les yeux enfin ouverts Mais qu'on ne se regarde plus Qu'on regarde la lumière Et ses nuages pendus L'âge d'or c'est après l'enfer C'est après l'âge d'argent On redevient petit enfant Dedans le ventre de la terre L'âge d'or c'est quand on dort Dans sa dernière caserne L'air de la bêtise Paroles et Musique: Jacques Brel 1957 Extrait du célèbre opéra "La vie quotidienne" Voici l’air fameux z-entre tous: L'air de la bêtise Mère des gens sans inquiétude Mère de ceux que l'on dit forts Mère des saintes habitudes Princesse des gens sans remords Salut à toi, dame Bêtise Toi dont le règne est méconnu Salut à toi, Dame Bêtise Mais dis-le moi, comment fais-tu Pour avoir tant d'amants Et tant de fiancés Tant de représentants Et tant de prisonniers Pour tisser de tes mains Tant de malentendus Et faire croire aux crétins Que nous sommes vaincus Pour fleurir notre vie De basses révérences De mesquines envies De noble intolérance De mesquines envies De noble intolérance De mesquines envies De noble intolérance Mère de nos femmes fatales Mère des mariages de raison Mère des filles à succursales Princesse pâle du vison Salut à toi, Dame Bêtise Toi dont le règne est méconnu Salut à toi, Dame Bêtise Mais dis moi, comment fais-tu Pour que point l'on ne voie Le sourire entendu Qui fera de vous et moi De très nobles cocus Pour nous faire oublier Que les putains, les vraies Sont celles qui font payer Pas avant, mais après Pour qu'il puisse m'arriver De croiser certains soirs Ton regard familier Au fond de mon miroir Ton regard familier Au fond de mon miroir Ton regard familier Au fond de mon miroir. L'amour est mort Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, Gérard Jouannest 2003 "Brel infiniment" note: inédit enregistré en 1977; note figurant sur la compilation de 2003 "chanson non aboutie que Jacques Brel et nous-mêmes désirions remanier, raison pour laquelle elles n’ont jamais été divulguées" (François Rauber, Gérard Jouannest) Ils n'ont plus rien à se maudire Ils se perforent en silence La haine est devenue leur science Les cris sont devenus leurs rires L'amour est mort, l'amour est vide Il a rejoint les goélands La grande maison est livide Les portes claquent à tout moment Ils ont oublié qu'il y a peu Strasbourg traversé en riant Leur avait semblé bien moins grand Qu'une grande place de banlieue Ils ont oublié les sourires Qu'ils déposaient tout autour d'eux Quand je te parlais d'amoureux C'est ceux-là que j'aimais décrire Vers midi s'ouvrent les soirées Qu'ébrèchent quelques sonneries C'est toujours la même bergerie Mais les brebis sont enragées Il rêve à d'anciennes maîtresses Elle s'invente son prochain amant Ils ne voient plus dans leurs enfants Que les défauts que l'autre y laisse Ils ont oublié le beau temps Où le petit jour souriait Quand il lui récitait Hamlet Nu comme un ver et en allemand Ils ont oublié qu'ils vivaient A deux, ils brûlaient mille vies Quand je disais "belle folie" C'est de ces deux que je parlais Le piano n'est plus qu'un meuble La cuisine pleure quelques sandwichs Et eux ressemblent à deux derviches Qui toupient dans le même immeuble Elle a oublié qu'elle chantait Il a oublié qu'elle chantait Ils assassinent leurs nuitées En lisant des livres fermés Ils ont oublié qu'autrefois Ils naviguaient de fête en fête Quitte à s'inventer à tue-tête Des fêtes qui n'existaient pas Ils ont oublié les vertus De la famine et de la bise Quand ils dormaient dans deux valises Et, mais nous, ma belle Comment vas-tu? Comment vas-tu? L'aventure Paroles et Musique: Jacques Brel 1958 L'aventure commence à l'aurore A l'aurore de chaque matin L'aventure commence alors Que la lumière nous lave les mains L'aventure commence à l'aurore Et l'aurore nous guide en chemin L'aventure c'est le trésor Que l'on découvre à chaque matin Pour Martin c'est le fer sur l'enclume Pour César le vin qui chantera Pour Yvon c'est la mer qu'il écume C'est le jour qui s'allume C'est le blé que l'on bat L'aventure commence à l'aurore A l'aurore de chaque matin L'aventure commence alors Que la lumière nous lave les mains Tout ce que l'on cherche à redécouvrir Fleurit chaque jour au coin de nos vies La grande aventure il faut la cueillir Entre notre église et notre mairie Entre la barrière du grand-père Machin Et le bois joli de monsieur l'Baron Et entre la vigne de notre voisin Et le doux sourire de la Madelon La Madelon L'aventure commence à l'aurore A l'aurore de chaque matin L'aventure commence alors Que la lumière nous lave les mains L'aventure commence à l'aurore Et l'aurore nous guide en chemin L'aventure, c'est le trésor Que l'on découvre à chaque matin Pour Martin c'est le fer sur l'enclume Pour César le vin qui chantera Pour Yvon c'est la mer qu'il écume C'est le jour qui s'allume C'est le blé que l'on bat L'aventure commence à l'aurore A l'aurore de chaque matin L'aventure commence alors Que la lumière nous lave les mains Tous ceux que l'on cherche à pouvoir aimer Sont auprès de nous et à chaque instant Dans le creux des rues, dans l'ombre des prés Au bout du chemin, au milieu des champs Debout dans le vent et semant le blé Pliés vers le sol, saluant la terre Assis près des vieux et tressant l'osier Couchés au soleil, buvant la lumière Dans la lumière L'aventure commence à l'aurore A l'aurore de chaque matin L'aventure commence alors Que la lumière nous lave les mains L'aventure commence à l'aurore Et l'aurore nous guide en chemin L'aventure c'est le trésor Que l'on découvre à chaque matin Pour Martin c'est le fer sur l'enclume Pour César le vin qui chantera Pour Yvon c'est la mer qu'il écume C'est le jour qui s'allume C'est le blé que l'on bat L'aventure commence à l'aurore Et l'aurore nous guide en chemin L'aventure c'est le trésor Que l'on découvre à chaque matin Matin L'éclusier Paroles et Musique: Jacques Brel 1968 Les mariniers Me voient vieillir Je vois vieillir Les mariniers On joue au jeu Des imbéciles Où l'immobile Est le plus vieux Dans mon métier Même en été Faut voyager Les yeux fermés. Ce n'est pas rien d'être éclusier Les mariniers Savent ma trogne Ils me plaisantent Et ils ont tort Moitié sorcier Moitié ivrogne Je jette un sort À tout c'qui chante Dans mon métier C'est en automne Qu'on cueille les pommes Et les noyés Ce n'est pas rien d'être éclusier Dans son panier Un enfant louche Pour voir la mouche Qui est sur son nez Maman ronronne Le temps soupire Le chou transpire Le feu ronchonne Dans mon métier C'est en hiver Qu'on pense au père Qui s'est noyé Ce n'est pas rien d'être éclusier Vers le printemps Les marinières M'font des manières De leur chaland J'aimerais leur jeu Sans cette guerre Qui m'a un peu Trop abimé Dans mon métier C'est au printemps Qu'on prend le temps De se noyer L'enfance Paroles et Musique: Jacques Brel 1973 note: Chanson du film "Le Far West". L'enfance Qui peut nous dire quand c’est fini Qui peut nous dire quand ça commence C'est rien avec de l'imprudence C'est tout ce qui n'est pas écrit L'enfance Qui nous empêche de la vivre De la revivre infiniment De vivre à remonter le temps De déchirer la fin du livre L'enfance Qui se dépose sur nos rides Pour faire de nous de vieux enfants Nous revoilà jeunes amants Le cœur est plein, la tête est vide L'enfance L'enfance L'enfance C'est encore le droit de rêver Et le droit de rêver encore Mon père était un chercheur d'or L'ennui c'est qu'il en a trouvé L'enfance Il est midi tous les quarts d'heure Il est jeudi tous les matins Les adultes sont déserteurs Tous les bourgeois sont des Indiens L'enfance L'enfance {+ couplet isolé:} Si les parents savaient l'enfance Si les moindres amants savaient Si par chance ils savaient l'enfance Il n'y aurait plus d'enfants jamais. L'homme dans la cité Paroles et Musique: Jacques Brel 1958 Pourvu que nous vienne un homme Aux portes de la cité Que l'amour soit son royaume Et l'espoir son invité Et qu'il soit pareil aux arbres Que mon père avait plantés Fiers et nobles comme soir d'été Et que les rires d'enfants Qui lui tintent dans la tête L'éclaboussent de reflets de fête Pourvu que nous vienne un homme Aux portes de la cité Que son regard soit un psaume Fait de soleils éclatés Qu'il ne s'agenouille pas Devant tout l'or d'un seigneur Mais parfois pour cueillir une fleur Et qu'il chasse de la main A jamais et pour toujours Les solutions qui seraient sans amour Pourvu que nous vienne un homme Aux portes de la cité Et qui ne soit pas un baume Mais une force, une clarté Et que sa colère soit juste Jeune et belle comme l'orage Qu'il ne soit jamais ni vieux ni sage Et qu'il rechasse du temple L'écrivain sans opinion Marchand de riens Marchand d'émotions Pourvu que nous vienne un homme Aux portes de la cité Avant que les autres hommes Qui vivent dans la cité Humiliés, l'espoir meurtri Et lourds de leur colère froide Ne dressent au creux des nuits De nouvelles barricades L'ivrogne Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest, F. Rauber 1960 { Refrain: } Ami, remplis mon verre Encore un et je vas Encore un et je vais Non, je ne pleure pas Je chante et je suis gai Mais j'ai mal d'être moi Ami, remplis mon verre Ami, remplis mon verre Buvons à ta santé Toi qui sais si bien dire Que tout peut s'arranger Qu'elle va revenir Tant pis si tu es menteur Tavernier sans tendresse Je serai saoul dans une heure Je serai sans tristesse Buvons à la santé Des amis et des rires Que je vais retrouver Qui vont me revenir Tant pis si ces seigneurs Me laissent à terre Je serai saoul dans une heure Je serai sans colère {au Refrain} Buvons à ma santé Que l'on boive avec moi Que l'on vienne danser Qu'on partage ma joie Tant pis si les danseurs Me laissent sous la lune Je serai saoul dans une heure Je serai sans rancune Buvons aux jeunes filles Qu'il me reste à aimer Buvons déjà aux filles Que je vais faire pleurer Et tant pis pour les fleurs Qu'elles me refuseront Je serai saoul dans une heure Je serai sans passion {au Refrain} Buvons à la putain Qui m'a tordu le cœur Buvons à plein chagrin Buvons à pleines pleurs Et tant pis pour les pleurs Qui me pleuvent ce soir Je serai saoul dans une heure Je serai sans mémoire Buvons nuit après nuit Puisque je serai trop laid Pour la moindre Sylvie Pour le moindre regret Buvons puisqu'il est l'heure Buvons rien que pour boire Je serai bien dans une heure Je serai sans espoir { Refrain: } Ami, remplis mon verre Encore un et je vas Encore un et je vais Non, je ne pleure pas Je chante et je suis gai Tout s'arrange déjà Ami, remplis mon verre Ami, remplis mon verre Ami, remplis mon verre L'Ostendaise Paroles: Jacques Brel. Musique: F. Rauber 1968 Une Ostendaise Pleure sur sa chaise Le chat soupèse Son poids d'amour Dans le silence Son chagrin danse Et les vieux pensent Chacun son tour A la cuisine Quelques voisines Parlent de Chine Et d'un retour A Singapeur Une Javanaise Devient belle-sœur De l'Ostendaise Il y a deux sortes de temps Y a le temps qui attend Et le temps qui espère Il y a deux sortes de gens Il y a les vivants Et ceux qui sont en mer Notre Ostendaise Que rien n'apaise De chaise en chaise Va sa blessure Quelques commères Quelques compères Battent le fer De sa brisure Son capitaine Sous sa bedaine De bière pleine Bat le tambour Homme de voiles Homme d'étoiles Il prend l'escale Pour un détour Il y a deux sortes de temps Il y a le temps qui attend Et le temps qui espère Il y a deux sortes de gens Il y a les vivants Et ceux qui sont en mer Notre Ostendaise Au temps des fraises Devient maîtresse D'un pharmacien Son capitaine Mort sous bedaine Joue les baleines Les sous-marins Pourquoi ma douce Moi le faux mousse Que le temps pousse T'écrire de loin C'est que je t'aime Et tant je t'aime Qu'ai peur, ma reine D'un pharmacien Il y a deux sortes de temps Il y a le temps qui attend Et le temps qui espère Il y a deux sortes de gens Il y a les vivants Et moi je suis en mer La Bastille Paroles et Musique: Jacques Brel 1955 Mon ami, qui crois que tout doit changer Te crois-tu le droit de t'en aller tuer les bourgeois? Si tu crois encore qu'il nous faut descendre Dans le creux des rues pour monter au pouvoir Si tu crois encore au rêve du grand soir Et que nos ennemis, il faut aller les pendre Dis-le-toi désormais Même s'il est sincère Aucun rêve jamais Ne mérite une guerre On a détruit la Bastille Et ça n'a rien arrangé On a détruit la Bastille Quand il fallait nous aimer Mon ami, qui crois que rien ne doit changer Te crois-tu le droit de vivre et de penser en bourgeois Si tu crois encore qu'il nous faut défendre Un bonheur acquis au prix d'autres bonheurs Si tu crois encore que c'est parce qu'ils ont peur Que les gens te saluent plutôt que de te pendre Dis-le-toi désormais Même s'il est sincère Aucun rêve jamais Ne mérite une guerre On a détruit la Bastille Et ça n'a rien arrangé On a détruit la Bastille Quand il fallait nous aimer Mon ami, je crois que tout peut s'arranger Sans cris sans effroi même sans insulter les bourgeois L'avenir dépend des révolutionnaires Mais se moque bien des petits révoltés L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner Hâtons-nous d'espérer Marchons aux lendemains Tendons une main Qui ne soit pas fermée On a détruit la Bastille Et ça n'a rien arrangé On a détruit la Bastille Ne pourrait-on pas s'aimer? La bière Paroles et Musique: Jacques Brel 1968 { Refrain: } Ça sent la bière De Londres à Berlin Ça sent la bière Dieu! Qu’on est bien Ça sent la bière De Londres à Berlin Ça sent la bière Donne-moi la main C'est plein d'Uylenspiegel Et de ses cousins et d'arrière-cousins De Bruegel l'Ancien C’est plein d’vent du nord Qui mord comme un chien Le port qui dort, le ventre plein {au Refrain} C'est plein de verres pleins Qui vont à kermesse comme vont à messe Vieilles au matin C'est plein de jours morts Et d'amours gelés Chez nous y a qu'l'été Que les filles aient un corps {au Refrain} C'est plein d’finissants Qui soignent leurs souvenirs En mouillant de rires Leurs poiluchons blancs C'est plein de débutants Qui soignent leur vérole En caracolant de "Prosit!" en "Skoll!" {au Refrain} C'est plein de "Godferdomme" C'est plein d'Amsterdam C'est plein de mains d'hommes Aux croupes des femmes C'est plein de mémères Qui ont depuis toujours Un sein pour la bière Un sein pour l'amour {au Refrain} C'est plein d'horizons A vous rendre fous Mais l'alcool est blond Le diable est à nous Les gens sans Espagne Ont besoin des deux On fait des montagnes Avec ce qu'on peut Ça sent la bière De Londres à Berlin Ça sent la bière Donne-moi la main La bourrée du célibataire Paroles et Musique: Jacques Brel 1957 La fille que j'aimera Aura le cœur si sage Qu'au creux de son rivage Mon cœur s'arrêtera La fille que j'aimera Je lui veux la peau tendre Pour qu'aux nuits de décembre S'y réchauffent mes doigts Et moi je l'aimerons Et elle m'aimera Et nos cœurs brûleront Du même feu de joie Entreront en chantant Dans les murs de la vie En offrant nos vingt ans Pour qu'elle nous soit jolie Non ce n'est pas toi La fille que j'aimerons Non ce n'est pas toi La fille que j'aimera La fille que j'aimera Aura sa maison basse Blanche et simple à la fois Comme un état de grâce La fille que j'aimera Aura des soirs de veille Où elle me parlera Des enfants qui sommeillent Et moi je l'aimerons Et elle m'aimera Et nous nous offrirons Tout l'amour que l'on a Pavoiserons tous deux Notre vie de soleil Avant que d'être vieux Avant que d'être vieille Non ce n'est pas toi La fille que j'aimerons Non ce n'est pas toi La fille que j'aimera La fille que j'aimera Vieillira sans tristesse Entre son feu de bois Et ma grande tendresse La fille que j'aimera Sera comme bon vin Qui se bonifiera Un peu chaque matin Et moi je l'aimerons Et elle m'aimera Et ferons des chansons De nos anciennes joies Et quitterons la Terre Les yeux pleins l'un de l'autre Pour fleurir tout l'enfer Du bonheur qui est nôtre Ah, qu'elle vienne à moi La fille que j'aimerons! Ah, qu'elle vienne à moi La fille que j'aimera! La cathédrale Paroles et Musique: Jacques Brel 1977 "Brel infiniment" note: Titre enregistré en 1977, publié à titre posthume. Prenez une cathédrale Et offrez-lui quelques mâts Un beaupré, de vastes cales Des haubans et hale-bas Prenez une cathédrale Haute en ciel et large au ventre Une cathédrale à tendre De clinfoc et de grand-voiles Prenez une cathédrale De Picardie ou de Flandre Une cathédrale à vendre Par des prêtres sans étoile Cette cathédrale en pierre Qui sera débondieurisée Traînez-la à travers prés Jusqu'où vient fleurir la mer Hissez la toile en riant Et filez sur l'Angleterre L'Angleterre est douce à voir Du haut d'une cathédrale Même si le thé fait pleuvoir Quelque ennui sur les escales Les Cornouailles sont à prendre Quand elles accouchent du jour Et qu'on flotte entre le tendre Entre le tendre et l'amour Prenez une cathédrale Et offrez-lui quelques mâts Un beaupré, de vastes cales Mais ne vous réveillez pas Filez toutes voiles dehors Et ho hisse, les matelots A chasser les cachalots Qui vous mèneront aux Açores Puis Madère avec ses filles Canarianes et l'océan Qui vous poussera en riant En riant jusqu'aux Antilles Prenez une cathédrale Hissez le petit pavois Et faites chanter les voiles Mais ne vous réveillez pas Putain, les Antilles sont belles Elles vous croquent sous la dent On se coucherait bien sur elles Mais repartez de l'avant Car toutes cloches en branle-bas Votre cathédrale se voile Transpercera le canal Le canal de Panama Prenez une cathédrale De Picardie ou d'Artois Partez cueillir les étoiles Mais ne vous réveillez pas Et voici le Pacifique Longue houle qui roule au vent Et ronronne sa musique Jusqu'aux îles droit devant Et que l'on vous veuille absoudre Si là-bas bien plus qu'ailleurs Vous tentez de vous dissoudre Entre les fleurs et les fleurs Prenez une cathédrale Hissez le petit pavois Et faites chanter les voiles Mais ne vous réveillez pas Prenez une cathédrale De Picardie ou d'Artois Partez pêcher les étoiles Mais ne vous réveillez pas Cette cathédrale est en pierre Traînez-la à travers bois Jusqu'où vient fleurir la mer Mais ne vous réveillez pas Mais ne vous réveillez pas. La chanson de Jacky Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest 1966 autres interprètes: Nicolas Peyrac, Les Croquants (2004), Florent Pagny (2007) Même si un jour à Knokke-le-Zoute Je deviens comme je le redoute Chanteur pour femmes finissantes Même si j'leur chante "Mi Corazon" Avec la voix bandonéante D'un Argentin de Carcassonne Même si on m'appelle Antonio Que je brûle mes derniers feux En échange de quelques cadeaux Madame, je fais ce que je peux Même si j'me saoule à l'hydromel Pour mieux parler d'virilité A des mémères décorées Comme des arbres de Noël Je sais qu'dans ma soûlographie Chaque nuit pour des éléphants roses Je chanterai ma chanson morose Celle du temps où j'm'appelais Jacky { Refrain: } Etre une heure, une heure seulement Etre une heure, une heure quelquefois Etre une heure, rien qu'une heure durant Beau, beau, beau et con à la fois Même si un jour à Macao J'deviens gouverneur de tripot Cerclé de femmes languissantes Même si lassé d'être chanteur J'y sois dev'nu maître chanteur Et qu'ce soit les autres qui chantent Même si on m'appelle le beau Serge Que je vende des bateaux d'opium Du whisky de Clermont-Ferrand De vrais pédés, de fausses vierges Que j'aie une banque à chaque doigt Et un doigt dans chaque pays Et que chaque pays soit à moi Je sais quand même que chaque nuit Tout seul au fond de ma fum'rie Pour un public de vieux Chinois Je r'chanterai ma chanson à moi Celle du temps où j'm'appelais Jacky {au Refrain} Même si un jour au Paradis J'devienne comme j'en serais surpris Chanteur pour femmes à ailes blanches Que je leur chante "Alléluia!" En regrettant le temps d'en bas Où c'est pas tous les jours dimanche Même si on m'appelle Dieu le Père Celui qui est dans l'annuaire Entre "Dieulefit" et "Dieu vous garde" Même si je m'laisse pousser la barbe Même si toujours trop bonne pomme Je m'crève le cœur et l'pur esprit A vouloir consoler les hommes Je sais quand même que chaque nuit J'entendrai dans mon paradis Les anges, les Saints et Lucifer Me chanter la chanson d'naguère Celle du temps où j'm'appelais Jacky. {au Refrain} La chanson de Van Horst Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, Gérard Jouannest 1972 "Jef" note: du film "Le Bar de la Fourche " De Rotterdam à Santiago Et d'Amsterdam à Varsovie De Cracovie à San Diego De drame en dame Passe la vie De peu à peu De cœur en cœur De peur en peur De port en port Le temps d'une fleur Et l'on s'endort Le temps d'un rêve Et l'on est mort De terre en terre De place en place De jeune vieille En vieille grâce De guerre en guerre De guerre lasse La mort nous veille La mort nous glace Mais de bière en bière De foire en foire De verre en verre De boire en boire Je mords encore À pleines dents Je suis un mort Encore vivant La chanson des vieux amants Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, Gérard Jouannest 1967 autres interprètes: Juliette Gréco, Isabelle Aubret (1995), Luce Dufault (2000), Florent Pagny (2007) Bien sûr, nous eûmes des orages Vingt ans d'amour, c'est l'amour fol Mille fois tu pris ton bagage Mille fois je pris mon envol Et chaque meuble se souvient Dans cette chambre sans berceau Des éclats des vieilles tempêtes Plus rien ne ressemblait à rien Tu avais perdu le goût de l'eau Et moi celui de la conquête Mais mon amour Mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour De l'aube claire jusqu'à la fin du jour Je t'aime encore, tu sais, je t'aime Moi, je sais tous tes sortilèges Tu sais tous mes envoûtements Tu m'as gardé de pièges en pièges Je t'ai perdue de temps en temps Bien sûr tu pris quelques amants Il fallait bien passer le temps Il faut bien que le corps exulte Finalement, finalement Il nous fallut bien du talent Pour être vieux sans être adultes Oh, mon amour Mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour De l'aube claire jusqu'à la fin du jour Je t'aime encore, tu sais, je t'aime Et plus le temps nous fait cortège Et plus le temps nous fait tourment Mais n'est-ce pas le pire piège Que vivre en paix pour des amants Bien sûr tu pleures un peu moins tôt Je me déchire un peu plus tard Nous protégeons moins nos mystères On laisse moins faire le hasard On se méfie du fil de l'eau Mais c'est toujours la tendre guerre Oh, mon amour… Mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour De l'aube claire jusqu'à la fin du jour Je t'aime encore, tu sais, je t'aime. La colombe Paroles et Musique: Jacques Brel 1959 autres interprètes: Pia Colombo Pourquoi cette fanfare Quand les soldats par quatre Attendent les massacres Sur le quai d'une gare Pourquoi ce train ventru Qui ronronne et soupire Avant de nous conduire Jusqu'au malentendu Pourquoi les chants les cris Des foules venues fleurir Ceux qui ont le droit d'partir Au nom de leurs conneries Nous n'irons plus au bois, la colombe est blessée Nous n'allons pas au bois, nous allons la tuer Pourquoi l'heure que voilà Où finit notre enfance Où finit notre chance Où notre train s'en va Pourquoi ce lourd convoi Chargé d'hommes en gris Repeints en une nuit Pour partir en soldats Pourquoi ce train de pluie Pourquoi ce train de guerre Pourquoi ce cimetière En marche vers la nuit Nous n'irons plus au bois, la colombe est blessée Nous n'allons pas au bois, nous allons la tuer Pourquoi les monuments Qu'offriront les défaites Les phrases déjà faites Qui suivront l'enterrement Pourquoi l'enfant mort-né Que sera la victoire Pourquoi les jours de gloire Que d'autres auront payés Pourquoi ces coins de terre Que l'on va peindre en gris Puisque c'est au fusil Qu'on éteint la lumière Nous n'irons plus au bois, la colombe est blessée Nous n'allons pas au bois, nous allons la tuer Pourquoi ton cher visage Dégrafé par les larmes Qui me rendait les armes Aux sources du voyage Pourquoi ton corps qui sombre Ton corps qui disparaît Et n'est plus sur le quai Qu'une fleur sur une tombe Pourquoi ces prochains jours Où je devrais penser A ne plus m'habiller Que d'une moitié d'amour Nous n'irons plus au bois, la colombe est blessée Nous n'allons pas au bois, nous allons la tuer La dame patronnesse Paroles et Musique: Jacques Brel 1959 note: Le couplet entre crochet n'est pas chanté par Jacques Brel. Pour faire une bonne dame patronnesse Il faut avoir l'œil vigilant Car comme le prouvent les évènements Quatre-vingt-neuf tue la noblesse Car comme le prouvent les évènements Quatre-vingt-neuf tue la noblesse Et un point à l'envers et un point à l'endroit Un point pour saint Josep,h un point pour saint Thomas Pour faire une bonne dame patronnesse Il faut organiser ses largesses Car comme disait le duc d'Elbeuf: "C't avec du vieux qu'on fait du neuf" Car comme disait le duc d'Elbeuf: "C't avec du vieux qu'on fait du neuf" Et un point à l'envers et un point à l'endroit Un point pour saint Joseph, un point pour saint Thomas [Pour faire une bonne dame patronnesse C'est qu'il faut faire très attention A ne pas se laisser voler ses pauvresses C'est qu'on serait sans situation A ne pas se laisser voler ses pauvresses C'est qu'on serait sans situation] Et un point à l'envers et un point à l'endroit Un point pour saint Joseph, un point pour saint Thomas Pour faire une bonne dame patronnesse Il faut être bonne mais sans faiblesse Ainsi j'ai dû rayer de ma liste Une pauvresse qui fréquentait un socialiste Ainsi j'ai dû rayer de ma liste Une pauvresse qui fréquentait… un rouge Et un point à l'envers et un point à l'endroit Un point pour saint Joseph, un point pour saint Thomas Pour faire une bonne dame patronnesse, Mesdames Tricotez tout en couleur caca d'oie Ce qui permet le dimanche à la grand-messe De reconnaître ses pauvres à soi Ce qui permet le dimanche à la grand-messe De reconnaître ses pauvres à soi Et un point à l'envers et un point à l'endroit Un point pour saint Joseph, un point pour saint Thomas La Fanette Paroles et Musique: Jacques Brel 1963 autres interprètes: Isabelle Aubret (1995), Yves Duteil, Florent Pagny (2007) Nous étions deux amis et Fanette m'aimait La plage était déserte et dormait sous juillet Si elles s'en souviennent les vagues vous diront Combien pour la Fanette j'ai chanté de chansons Faut dire Faut dire qu'elle était belle Comme une perle d'eau Faut dire qu'elle était belle Et je ne suis pas beau Faut dire Faut dire qu'elle était brune Tant la dune était blonde Et tenant l'autre et l'une Moi je tenais le monde Faut dire Faut dire que j'étais fou De croire à tout cela Je le croyais à nous Je la croyais à moi Faut dire Qu'on ne nous apprend pas A se méfier de tout Nous étions deux amis et Fanette m'aimait La plage était déserte et mentait sous juillet Si elles s'en souviennent les vagues vous diront Comment pour la Fanette s'arrêta la chanson Faut dire Faut dire qu'en sortant D'une vague mourante Je les vis s'en allant Comme amant et amante Faut dire Faut dire qu'ils ont ri Quand ils m'ont vu pleurer Faut dire qu'ils ont chanté Quand je les ai maudits Faut dire Que c'est bien ce jour-là Qu'ils ont nagé si loin Qu'ils ont nagé si bien Qu'on ne les revit pas Faut dire Qu'on ne nous apprend pas Mais parlons d'autre chose Nous étions deux amis et Fanette l'aimait La plage est déserte et pleure sous juillet Et le soir quelquefois Quand les vagues s'arrêtent J'entends comme une voix J'entends… c'est la Fanette La foire Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, Lou Logist 1953 "Le plat pays" { Refrain: } J'aime la foire où pour trois sous L'on peut se faire tourner la tête Sur les manèges aux chevaux roux Au son d'une musique bête Les lampions jettent au firmament Alignés en nombres pairs Comme des sourcils de géant Leurs crachats de lumières (x 2) Les moulins tournent, tournent sans trêve Emportant tout notre argent Et nous donnant un peu de rêve Pour que les hommes soient contents {au Refrain} Ça sent la graisse où dansent les frites Ça sent les frites dans les papiers Ça sent les beignets qu'on mange vite Ça sent les hommes qui les ont mangés (x2) Partout je vois à petits pas Des couples qui s'en vont danser Mais moi sûrement je n'irai pas Grand-mère m'a dit de me méfier {au Refrain} Et lorsque l'on n'a plus de sous Pour se faire tourner la tête Sur les manèges aux chevaux roux Au son d'une musique bête (x2) On rentre chez soi lentement Et tout en regardant les cieux On se demande simplement S'il n'existe rien de mieux J'aimais la foire où pour trois sous L'on pouvait s’faire tourner la tête Sur les manèges aux chevaux roux Au son d'une musique bête La la la La haine Paroles et Musique: Jacques Brel 1955 Comme un marin je partirai Pour aller rire chez les filles Et si jamais tu en pleurais Moi j'en aurais l'âme ravie Comme un novice je partirai Pour aller prier le bon Dieu Et si jamais tu en souffrais Moi je n'en prierais que mieux Tu n'as commis d'autre péché Que de distiller chaque jour L'ennui et la banalité Quand d'autres distillent l'amour Et mille jours pour une nuit Voilà ce que tu m'as donné Tu as peint notre amour en gris Terminé notre éternité Comme un ivrogne je partirai Pour aller gueuler ma chanson Et si jamais tu l'entendais J'en remercierais le démon Comme un soldat je partirai Mourir comme meurent les enfants Et si jamais tu en mourais J'en voudrais revenir vivant Et toi tu pries et toi tu pleures Au long des jours, au long des ans C'est comme si avec des fleurs On ressoudait deux continents L'amour est mort, vive la haine Et toi matériel déclassé Va-t-en donc accrocher ta peine Au musée des amours ratées Comme un ivrogne je partirai Pour aller gueuler ma chanson Et si jamais tu l'entendais J'en remercierais le démon La lumière jaillira Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, François Rauber 1958 La lumière jaillira Claire et blanche un matin Brusquement devant moi Quelque part en chemin La lumière jaillira Et la reconnaîtrai Pour l'avoir tant de fois Chaque jour espérée La lumière jaillira Et de la voir si belle Je connaîtrai pourquoi J'avais tant besoin d'elle La lumière jaillira Et nous nous marierons Pour n'être qu'un combat N'être qu'une chanson La lumière jaillira Et je l'inviterai A venir sous mon toit Pour y tout transformer La lumière jaillira Et déjà modifié Lui avouerai du doigt Les meubles du passé La lumière jaillira Et j'aurai un palais Tout ne change-t-il pas Au soleil de juillet? La lumière jaillira Et toute ma maison Assise au feu de bois Apprendra ses chansons La lumière jaillira Parsemant mes silences De sourires de joie Qui meurent et recommencent La lumière jaillira Qu'éternel voyageur Mon cœur en vain chercha Mais qui était en mon cœur La lumière jaillira Reculant l'horizon La lumière jaillira Et portera ton nom La mort Paroles et Musique: Jacques Brel 1959 La mort m'attend comme une vieille fille Au rendez-vous de la faucille Pour mieux cueillir le temps qui passe La mort m'attend comme une princesse A l'enterrement de ma jeunesse Pour mieux pleurer le temps qui passe La mort m'attend comme Carabosse A l'incendie de nos noces Pour mieux rire du temps qui passe Mais qu'y a-t-il derrière la porte Et qui m'attend déjà? Ange ou démon qu'importe Au devant de la porte il y a toi La mort attend sous l'oreiller Que j'oublie de me réveiller Pour mieux glacer le temps qui passe La mort attend que mes amis Me viennent voir en pleine nuit Pour mieux se dire que le temps passe La mort m'attend dans tes mains claires Qui devront fermer mes paupières Pour mieux quitter le temps qui passe Mais qu'y a-t-il derrière la porte Et qui m'attend déjà? Ange ou démon qu'importe Au devant de la porte il y a toi La mort m'attend aux dernières feuilles De l'arbre qui f'ra mon cercueil Pour mieux clouer le temps qui passe La mort m'attend dans les lilas Qu'un fossoyeur lancera sur moi Pour mieux fleurir le temps qui passe La mort m'attend dans un grand lit Tendu aux toiles de l'oubli Pour mieux fermer le temps qui passe Mais qu'y a-t-il derrière la porte Et qui m'attend déjà? Ange ou démon qu'importe Au devant de la porte il y a toi La parlote Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, Gérard Jouannest 1963 C'est elle qui remplit d'espoir Les promenades, les salons d'thé C'est elle qui raconte l'histoire Quand elle ne l'a pas inventée C'est la parlote, la parlote C'est elle qui sort toutes les nuits Et ne s'apaise qu'au petit jour Pour s'éveiller après l'amour Entre deux amants éblouis La parlote, la parlote C'est là qu'on dit qu'on a dit oui C'est là qu'on dit qu'on a dit non C'est le support de l'assurance Et le premier apéritif de France La parlote, la parlote La parlote, la parlote Marchant sur la pointe des lèvres Moitié fakir et moitié vandale D'un faussaire elle fait un orfèvre D'un fifrelin elle fait un scandale La parlote, la parlote C'est elle qui attire la candeur Dans les filets d'une promenade Mais c'est par elle que l'amour en fleurs Souvent se meurt dans les salades La parlote, la parlote Par elle j'ai changé le monde J'ai même fait battre tambour Pour charger une Pompadour Pas même belle, pas même blonde La parlote, la parlote La parlote, la parlote C'est au bistrot qu'elle rend ses sentences Et nous rassure en nous assurant Que ceux qu'on aime n'ont pas eu d'chance Que ceux qu'on n'aime pas en ont tellement La parlote, la parlote La parlote, la parlote Si c'est elle qui sèche les yeux Si c'est elle qui sèche les pleurs C'est elle qui dessèche les vieux C'est elle qui dessèche les cœurs Gna gna gna gna gna gna Gna gna gna gna gna gna C'est elle qui vraiment s'installe Quand on n'a plus rien à se dire C'est l'épitaphe, c'est la pierre tombale Des amours qu'on a laissé mourir La parlote, la parlote La parlote, la parlote La quête Rêver un impossible rêve Porter le chagrin des départs Brûler d'une possible fièvre Partir où personne ne part Aimer jusqu'à la déchirure Aimer, même trop, même mal Tenter, sans force et sans armure D'atteindre l'inaccessible étoile Telle est ma quête Suivre l'étoile Peu m'importent mes chances Peu m'importe le temps Ou ma désespérance Et puis lutter toujours Sans questions ni repos Se damner Pour l'or d'un mot d'amour Je ne sais si je serai ce héros Mais mon coeur serait tranquille Et les villes s'éclabousseraient de bleu Parce qu'un malheureux Brûle encore, bien qu'ayant tout brûlé Brûle encore, même trop, même mal Pour atteindre à s'en écarteler Pour atteindre l'inaccessible étoile La statue Paroles: Jacques Brel. Musique: François Rauber 1962 "Barclay" J'aimerais tenir l'enfant d'Marie Qui a fait graver sous ma statue: "Il a vécu toute sa vie Entre l'honneur et la vertu" Moi qui ai trompé mes amis De faux serment en faux serment Moi qui ai trompé mes amis Du jour de l'An au jour de l'An Moi qui ai trompé mes maîtresses De sentiment en sentiment Moi qui ai trompé mes maîtresses Du printemps jusques au printemps Ah! C’t enfant d’Marie, je l’aimerais, là Et j'aimerais que les enfants ne me regardent pas J'aimerais tenir l'enfant de carême Qui a fait graver sous ma statue: "Les dieux rappellent ceux qu'ils aiment Et c'était lui qu'ils aimaient l'plus" Moi qui n'ai jamais prié Dieu Que lorsque j'avais mal aux dents Moi qui n'ai jamais prié Dieu Que quand j'ai eu peur de Satan Moi qui n'ai prié Satan Que lorsque j'étais amoureux Moi qui n'ai prié Satan Que quand j'ai eu peur du bon Dieu Ah! C’t enfant d’carême, je l’aimerais, là Et j'aimerais que les enfants ne me regardent pas J'aimerais tenir l'enfant d'salaud Qui a fait graver sous ma statue: "Il est mort comme un héros Il est mort comme on ne meurt plus" Moi qui suis parti faire la guerre Parce que je m'ennuyais tellement Moi qui suis parti faire la guerre Pour voir si les femmes des Allemands Moi qui suis mort à la guerre Parce que les femmes des Allemands Moi qui suis mort à la guerre De n'avoir pu faire autrement Ah! C’t enfant d’salaud, je l’aimerais, là Et j'aimerais que mes enfants ne me regardent pas La tendresse Paroles et Musique: Jacques Brel 1959 Pour un peu de tendresse Je donn'rais les diamants Que le diable caresse Dans mes coffres d'argent Pourquoi crois-tu, la belle Que les marins au port Vident leurs escarcelles Pour offrir des trésors A de fausses princesses Pour un peu de tendresse? Pour un peu de tendresse Je chang'rais de visage Je changerais d'ivresse Je chang'rais de langage Pourquoi crois-tu, la belle Qu'au sommet de leurs chants Emp'reurs et ménestrels Abandonnent souvent Puissances et richesses Pour un peu de tendresse? Pour un peu de tendresse Je t'offrirais le temps Qu'il reste de jeunesse A l'été finissant Pourquoi crois-tu, la belle Que monte ma chanson Vers la claire dentelle Qui danse sur ton front Penché vers ma détresse Pour un peu de tendresse? La toison d'or Paroles et Musique: Jacques Brel 1963 note: Complainte pour la pièce de Corneille "La toison d'or". Et vous, conquistadors, navigateurs anciens Hollandais téméraires et corsaires malouins Cherchant des Amériques, vous ne cherchâtes rien Que l'aventure de la Toison d'Or Et vous, les philosophes, vous, sages d'Orient Alchimistes pointus et sorciers d'à présent En cherchant la sagesse, vous n'avez rien cherché Que les secrets de la Toison d'Or Et vous, les empereurs, roitelets ou serins Vous, les vrais Charlemagne, vous les faux Charles Quint En cherchant la puissance, vous ne cherchâtes rien Que les reflets de la Toison d'Or Et vous, preux chevaliers assoiffés de grandeur Vous chasseurs de Saint-Graal, d'oriflammes, d'honneurs Cherchant la victoire, vous ne cherchâtes rien Que le panache de la Toison d'Or Et vous tous, les poètes, les rêveurs mal debout Discoureurs de l'amour pour des cieux andalous En écoutant vos muses, n'avez rien chanté d'autre Que le vieux rêve de la Toison d'Or Et vous, gens d'aujourd'hui, d'aujourd'hui de demain Vous, balayeurs d'idoles, de dieux, de malins Cherchant la vérité, vous ne recherchez rien Que la clarté de la Toison d'Or La valse à mille temps Paroles et Musique: Jacques Brel 1959 Au premier temps de la valse Toute seule tu souris déjà Au premier temps de la valse Je suis seul, mais je t'aperçois Et Paris qui bat la mesure Paris qui mesure notre émoi Et Paris qui bat la mesure Me murmure murmure tout bas { Refrain: } Une valse à trois temps Qui s'offre encore le temps Qui s'offre encore le temps De s'offrir des détours Du côté de l'amour Comme c'est charmant Une valse à quatre temps C'est beaucoup moins dansant C'est beaucoup moins dansant Mais tout aussi charmant Qu'une valse à trois temps Une valse à quatre temps Une valse à vingt ans C'est beaucoup plus troublant C'est beaucoup plus troublant Mais beaucoup plus charmant Qu'une valse à trois temps Une valse à vingt ans Une valse à cent temps Une valse à cent ans Une valse ça s'entend A chaque carrefour Dans Paris que l'amour Rafraîchit au printemps Une valse à mille temps Une valse à mille temps Une valse a mis l'temps De patienter vingt ans Pour que tu aies vingt ans Et pour que j'aie vingt ans Une valse à mille temps Une valse à mille temps Une valse à mille temps Offre seule aux amants Trois cent trente-trois fois l'temps De bâtir un roman Au deuxième temps de la valse On est deux, tu es dans mes bras Au deuxième temps de la valse Nous comptons tous les deux: une deux trois Et Paris qui bat la mesure Paris qui mesure notre émoi Et Paris qui bat la mesure Nous fredonne, fredonne déjà {au Refrain} Au troisième temps de la valse Nous valsons enfin tous les trois Au troisième temps de la valse Il y a toi, y a l'amour et y a moi Et Paris qui bat la mesure Paris qui mesure notre émoi Et Paris qui bat la mesure Laisse enfin éclater sa joie. {au Refrain} Lalala la lalala La ville s'endormait Paroles et Musique: Jacques Brel 1977 La ville s'endormait Et j'en oublie le nom Sur le fleuve en amont Un coin de ciel brûlait La ville s'endormait Et j'en oublie le nom Et la nuit peu à peu Et le temps arrêté Et mon cheval boueux Et mon corps fatigué Et la nuit bleu à bleu Et l'eau d'une fontaine Et quelques cris de haine Versés par quelques vieux Sur de plus vieilles qu'eux Dont le corps s'ensommeille La ville s'endormait Et j'en oublie le nom Sur le fleuve en amont Un coin de ciel brûlait La ville s'endormait Et j'en oublie le nom Et mon cheval qui boit Et moi qui le regarde Et ma soif qui prend garde Qu'elle ne se voit pas Et la fontaine chante Et la fatigue plante Son couteau dans mes reins Et je fais celui-là Qui est son souverain On m'attend quelque part Comme on attend le roi Mais on ne m'attend point Je sais, depuis déjà Que l'on meurt de hasard En allongeant le pas La ville s'endormait Et j'en oublie le nom Sur le fleuve en amont Un coin de ciel brûlait La ville s'endormait Et j'en oublie le nom Il est vrai que parfois près du soir Les oiseaux ressemblent à des vagues Et les vagues aux oiseaux Et les hommes aux rires Et les rires aux sanglots Il est vrai que souvent La mer se désenchante Je veux dire en cela Qu'elle chante D'autres chants Que ceux que la mer chante Dans les livres d'enfants Mais les femmes toujours Ne ressemblent qu'aux femmes Et d'entre elles les connes Ne ressemblent qu'aux connes Et je ne suis pas bien sûr Comme chante un certain Qu'elles soient l'avenir de l'homme La ville s'endormait Et j'en oublie le nom Sur le fleuve en amont Un coin de ciel brûlait La ville s'endormait Et j'en oublie le nom Et vous êtes passée Demoiselle inconnue A deux doigts d'être nue Sous le lin qui dansait La, la, la Paroles et Musique: Jacques Brel 1967 Quand je s’rai vieux, je s’rai insupportable Sauf pour mon lit et mon maigre passé Mon chien s’ra mort, ma barbe s’ra minable Toutes mes morues m'auront laissé tomber J'habiterai une quelconque Belgique Qui m'insultera tout autant que maintenant Quand je lui chant’rai: Vive la République! Vive les Belgiens! Merde, pour les flamingants La… la… la… La… la… la… Je serai fui comme un vieil hôpital Par tous les ventres d’haute société Je boirai donc seul, ma pension de cigale Il faut bien être lorsque l'on a été Je ne s’rai reçu qu’par les chats du quartier A leur festin pour qu'ils ne soient pas treize Mais j'y chanterai sur une simple chaise J'y chanterai après le rat crevé Messieurs, dans le lit de la Marquise C'était moi, les quatre-vingts chasseurs La… la… la… Quand viendra l'heure imbécile et fatale Où il paraît que quelqu'un nous appelle J'insulterai le flic sacerdotal Penché vers moi comme un larbin du ciel Et j’mourirai, cerné de rigolos En me disant qu'il était chouette, Voltaire Et qu’si y en a des, qui ont une plume au chapeau Y en a des, qui ont une plume dans le derrière La… la… la… La… la… la… Quand je s’rai vieux, je s’rai insupportable Sauf pour mon lit et mon maigre passé Mon chien s’ra mort, ma barbe s’ra minable Toutes mes morues m'auront laissé tomber Le bon Dieu Paroles et Musique: Jacques Brel 1977 note: Extrait de la comédie musicale "Vilebrequin". Toi Toi, si t’étais l’bon Dieu Tu f’rais valser les vieux Aux étoiles Toi Toi, si t’étais l’bon Dieu Tu allumerais des bals Pour les gueux Toi Toi, si t’étais l’bon Dieu Tu n’s’rais pas économe De ciel bleu Mais Tu n'es pas l'bon Dieu Toi, tu es beaucoup mieux Tu es un homme Tu es un homme Tu es un homme Le cheval Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest 1967 autres interprètes: Les Croquants (1999) J'étais vraiment, j'étais bien plus heureux Bien plus heureux avant, quand j'étais ch’val Que je traînais, Madame, votre landau Jolie Madame, dans les rues de Bordeaux Mais tu as voulu que je sois ton amant Tu as même voulu que je quitte ma jument Je n'étais qu'un cheval oui, oui, mais tu en as profité Par amour pour toi, je me suis déjumenté. Et depuis toutes les nuits Dans ton lit de satin blanc Je regrette mon écurie Mon écurie et ma jument J'étais vraiment, vraiment bien plus heureux Bien plus heureux avant, quand j'étais ch’val Que tu t’foutais, Madame, la gueule par terre Jolie Madame, quand tu forçais le cerf Mais tu as voulu qu’j'apprenne les bonnes manières Tu as voulu qu’je marche sur les pattes de derrière Je n'étais qu'un ch’val oui, oui, mais tu m'as couillonné, hein Par amour pour toi je me suis derrièrisé Et depuis, toutes les nuits Quand nous dansons le tango Je regrette mon écurie Mon écurie et mon galop J'étais vraiment, vraiment bien plus heureux Bien plus heureux avant, quand j'étais ch’val Que je te promenais, Madame, sur mon dos Jolie Madame, en forêt d’Fontainebleau Mais tu as voulu que je sois ton banquier Tu as même voulu qu’je me mette à chanter Je n'étais qu'un ch’val oui, oui mais tu en as abusé Par amour pour toi, je me suis variété Et depuis toutes les nuits Quand je chante "Ne me quitte pas" Je regrette mon écurie Et mes silences d'autrefois Et puis et puis, tu es partie radicale Avec un zèbre, un zèbre mal rayé Le jour, Madame, où je t'ai refusé D'apprendre à monter à cheval Mais tu m'avais pris ma jument Mon silence, mes sabots Mon écurie, mon galop Tu ne m'as laissé que mes dents Et voilà pourquoi je cours, je cours Je cours le monde en hennissant Me voyant refuser l'amour Par les femmes et par les juments J'étais vraiment, vraiment bien plus heureux Bien plus heureux avant quand j'étais ch’val Que je promenais Madame, votre landau Quand j'étais ch’val et quand tu étais chameau! Le colonel Paroles: Jacques Brel. Musique: G. Wagenheim 1958 Colonel, faut-il Puisque se lève le jour Faire battre tous les tambours Réveiller tous les pandoures? Colonel, faut-il Faire sonner tous les clairons Rassembler les escadrons? Colonel, colonel, nous attendons Le colonel s'ennuie. Il effeuille une fleur Et rêve à son amie Qui lui a pris son cœur. Son amie est si douce et belle Dans sa robe au soleil Que chaque jour passé près d'elle Se meuble de merveilles. Colonel, faut-il Puisque voilà l'ennemi Faire tirer notre artillerie Disposer notre infanterie? Colonel, faut-il Charger tous comme des fous Ou partir à pas de loup? Colonel, colonel, dites-le nous Le colonel s'ennuie. Il effeuille une fleur Et rêve à son amie Qui lui a pris son cœur. Ses baisers doux comme velours Tendrement, ont conduit A l'état-major de l'amour Le colonel ravi Colonel, faut-il, Puisque vous êtes blessé Faut-il donc nous occuper De vous trouver un abbé? Colonel, faut-il Puisqu'est mort l'apothicaire Chercher le vétérinaire? Colonel, colonel, que faut-il faire? Le colonel s'ennuie. Il effeuille une fleur Et rêve à son amie Qui lui a pris son cœur. Il la voit et lui tend les bras Il la voit et l'appelle Et c'est en lui parlant tout bas Qu'il entre dans le ciel Ce colonel qui meurt Et qui meurt de chagrin Blessé d'une fille dans le cœur Ce colonel loin de sa belle C'est mon cœur loin du tien C'est mon cœur loin du tien Le dernier repas Paroles et Musique: Jacques Brel 1964 A mon dernier repas Je veux voir mes frères Et mes chiens et mes chats Et le bord de la mer A mon dernier repas Je veux voir mes voisins Et puis quelques Chinois En guise de cousins Et je veux qu'on y boive En plus du vin de messe De ce vin si joli Qu'on buvait en Arbois Je veux qu'on y dévore Après quelques soutanes Une poule faisane Venue du Périgord Puis je veux qu'on m'emmène En haut de ma colline Voir les arbres dormir En refermant leurs bras Et puis, je veux encore Lancer des pierres au ciel En criant: "Dieu est mort!" Une dernière fois A mon dernier repas Je veux voir mon âne Mes poules et mes oies Mes vaches et mes femmes A mon dernier repas Je veux voir ces drôlesses Dont je fus maître et roi Ou qui furent mes maîtresses Quand j'aurai dans la panse De quoi noyer la Terre Je briserai mon verre Pour faire le silence Et chanterai à tue-tête A la mort qui s'avance Les paillardes romances Qui font peur aux nonnettes Puis je veux qu'on m'emmène En haut de ma colline Voir le soir qui chemine Lentement vers la plaine Et là, debout encore J'insulterai les bourgeois Sans crainte et sans remords Une dernière fois Après mon dernier repas {x2} Je veux que l'on s'en aille Qu'on finisse ripaille Ailleurs que sous mon toit Après mon dernier repas Je veux que l'on m'installe Assis seul comme un roi Accueillant ses vestales Dans ma pipe, je brûlerai Mes souvenirs d'enfance Mes rêves inachevés Mes restes d'espérance Et je ne garderai Pour habiller mon âme Que l'idée d'un rosier Et qu'un prénom de femme Puis je regarderai Le haut de ma colline Qui danse, qui se devine Qui finit par sombrer Et dans l'odeur des fleurs Qui bientôt s'éteindra Je sais que j'aurai peur Une dernière fois. Le diable (Ça va) Paroles et Musique: Jacques Brel 1953 Un jour, Un jour le diable vint sur Terre Un jour le diable vint sur Terre Pour surveiller ses intérêts Il a tout vu le diable, il a tout entendu Et après avoir tout vu Et après avoir tout entendu Il est retourné chez lui, là-bas. Et là-bas, on avait fait un grand banquet A la fin du banquet, il s'est levé le diable Il a prononcé un discours: Ça va Il y a toujours un peu partout Des feux illuminant la Terre Ça va Les hommes s'amusent comme des fous Au dangereux jeu de la guerre Ça va Les trains déraillent avec fracas Parce que des gars pleins d'idéal Mettent des bombes sur les voies Ça fait des morts originales Ça fait des morts sans confession Des confessions sans rémission Ça va Rien ne se vend mais tout s'achète L'honneur et même la sainteté Ça va Les États se muent en cachette En anonymes sociétés Ça va Les grands s'arrachent les dollars Venus du pays des enfants L'Europe répète l'Avare Dans un décor de mil neuf cent Ça fait des morts d'inanition Et l'inanition des nations Ça va Les hommes, ils en ont tant vu Que leurs yeux sont devenus gris Ça va Et l'on ne chante même plus Dans toutes les rues de Paris Ça va On traite les braves de fous Et les poètes de nigauds Mais dans les journaux de partout Tous les salauds ont leur photo Ça fait mal aux honnêtes gens Et rire les malhonnêtes gens Ça va, ça va, ça va, ça va! Le fou du roi Paroles et Musique: Jacques Brel 1954 Il était un fou du roi Qui vivait l'âme sereine En un château d'autrefois Pour l'amour d'une reine { Refrain: } Et vivent les bossus Ma mère Et vivent les pendus Et vivent les bossus Ma mère Et vivent les pendus Il y eut une grande chasse Où les nobles deux par deux Tous les dix mètres s'embrassent Dans les chemins qu'on dit creux {au Refrain} Lorsque le fou vit la reine Courtisée par un beau comte Il s'en fut le cœur en peine Dans un bois pleurer de honte {au Refrain} Lorsque trois jours furent passés Il revint vers le château Et alla tout raconter Dans sa tour au roi là-haut {au Refrain} Devant tout ce qu'on lui raconte Tout un jour, le roi a ri Il fit décorer le comte Et c'est le fou qu'on pendit {au Refrain} Le gaz Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest 1967 Tu habites rue de la Madone Une maison qui se déhanche Une maison qui se tire-bouchonne Et qui pleure à grosses planches L'escalier colimaçonne C'est pas grand, non Mais y a d'la place Tu habites rue de la Madone Et moi je viens pour le gaz Tu as un boudoir plein de bouddhas Les bougies dansent dans leurs bougeoirs Ça sent bon, c'est sans histoire Ça ruisselle de taffetas C'est rempli de photos d'toi Qui sommeillent devant la glace Tu as un boudoir plein d'bouddhas Et moi et moi et moi Je viens pour le gaz Tu as un vrai divan de roi Un vrai divan de diva Du porto qu'tu rapportas De la Porte des Lilas T'as un p'tit chien et un grand chat Un phono qui joue du jazz Tu as un vrai divan de roi Et moi et moi et moi Je viens pour le gaz Tu as des seins comme des soleils Comme des fruits, comme des r'posoirs Tu as des seins comme des miroirs Comme des fruits, comme du miel Tu les recouvres, tout devient noir Tu les découvres et je deviens Pégase Tu as des seins comme des trottoirs Et moi et moi et moi Je viens pour le gaz Et puis chez toi y a l'plombier Et y l'bedeau et y a l'facteur Le docteur qui fait le café Le notaire qui sert les liqueurs Y a la moitié d'un artilleur Y a un poète de Carpentras Il y a quelques flics Et puis la main de ma sœur Et tout ça est là pour le gaz Allez, allez-y donc tous, rue de la Madone C'est pas grand, non Mais y a d'la place Allez, allez-y donc tous, rue de la Madone Et dites bien que c'est pour le gaz Le lion Paroles et Musique: Jacques Brel 1977 Ça fait cinq jours Ça fait cinq nuits Qu'au-delà du fleuve qui bouillonne Appelle, appelle la lionne Ça fait cinq jours Ça fait cinq nuits Qu'en-deçà du fleuve qui bouillonne Répond le lion à la lionne Vas-y pas, Gaston Même si elle te raconte Que sa mère est gentille Vas-y pas, Gaston Même si elle ose te dire Qu'elle t'aime pour la vie Même si elle te supplie De l'amener à la ville Elle sera ta Manon Tu s'ras son Des Grieux Vous serez deux imbéciles Ça fait dix jours Ça fait dix nuits Qu'au-delà du fleuve qui bouillonne Appelle, appelle la lionne Ça fait dix jours Ça fait dix nuits Qu'en-deçà du fleuve qui bouillonne Répond le lion à la lionne Vas-y pas, Gaston Arrête de remuer la queue Il faut qu'elle s'impatiente Fais celui qui a le temps Celui qui est débordé Mets-la en liste d'attente Vas-y pas, Gaston Un lion doit être vache Dis-lui qu't'es en plein rush Souviens-toi d'Paulo Qui nous disait toujours: "Too much, c'est too much" Ça fait vingt jours Ça fait vingt nuits Qu'au-delà du fleuve qui bouillonne Appelle, appelle la lionne Ça fait vingt jours Ça fait vingt nuits Qu'en-deçà du fleuve qui bouillonne Répond le lion à la lionne Vas-y pas, Gaston Même si elle te signale Qu'il y en a un autre en vue Un qui est jeune, qui est beau Qui danse comme un dieu Qui a de la tenue Un qui a de la crinière Qui est très intelligent Et qui va faire fortune Un qui est généreux Un qui que, quand elle veut Lui offrira la lune Ça fait une heure et vingt minutes Qu'au-delà du fleuve qui bouillonne Appelle, appelle la lionne Ça fait une heure et vingt minutes Que dans le fleuve qui bouillonne Un lion est mort pour une lionne {Parlé} Jacques! Jacques! Euh oui, oui Jacques! C'est… c'est moi qu'on appelle? Jacques! Jacques! Oui, oui, je suis là, oui Jacques! Jacques… Le moribond Paroles et Musique: Jacques Brel 1961 autres interprètes: Les Croquants (2004), Beirut (2007) Adieu l'Émile je t'aimais bien Adieu l'Émile je t'aimais bien, tu sais On a chanté les mêmes vins On a chanté les mêmes filles On a chanté les mêmes chagrins Adieu l'Émile je vais mourir C'est dur de mourir au printemps, tu sais Mais j'pars aux fleurs la paix dans l'âme Car vu qu't'es bon comme du pain blanc Je sais qu'tu prendras soin d'ma femme J'veux qu'on rie J'veux qu'on danse J'veux qu'on s'amuse comme des fous J'veux qu'on rie J'veux qu'on danse Quand c'est qu'on m'mettra dans l'trou Adieu Curé je t'aimais bien Adieu Curé je t'aimais bien, tu sais On n'était pas du même bord On n'était pas du même chemin Mais on cherchait le même port Adieu Curé je vais mourir C'est dur de mourir au printemps, tu sais Mais j'pars aux fleurs la paix dans l'âme Car vu que t'étais son confident Je sais qu'tu prendras soin d'ma femme J'veux qu'on rie J'veux qu'on danse J'veux qu'on s'amuse comme des fous J'veux qu'on rie J'veux qu'on danse Quand c'est qu'on m'mettra dans l'trou Adieu l'Antoine je t'aimais pas bien Adieu l'Antoine je t'aimais pas bien, tu sais J'en crève de crever aujourd'hui Alors que toi tu es bien vivant Et même plus solide que l'ennui Adieu l'Antoine je vais mourir C'est dur de mourir au printemps, tu sais Mais j'pars aux fleurs la paix dans l'âme Car vu que tu étais son amant Je sais qu'tu prendras soin d'ma femme J'veux qu'on rie J'veux qu'on danse J'veux qu'on s'amuse comme des fous J'veux qu'on rie J'veux qu'on danse Quand c'est qu'on m'mettra dans l'trou Adieu ma femme je t'aimais bien Adieu ma femme je t'aimais bien, tu sais Mais je prends l'train pour le bon Dieu Je prends le train qui est avant l'tien Mais on prend tous le train qu'on peut Adieu ma femme, je vais mourir C'est dur de mourir au printemps, tu sais Mais j'pars aux fleurs les yeux fermés, ma femme Car vu qu'j'les ai fermés souvent Je sais qu'tu prendras soin d'mon âme J'veux qu'on rie J'veux qu'on danse J'veux qu'on s'amuse comme des fous J'veux qu'on rie J'veux qu'on danse Quand c'est qu'on m'mettra dans l'trou Le plat pays Paroles et Musique: Jacques Brel 1962 autres interprètes: Isabelle Aubret (1975), Pierre Bachelet Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues Et de vagues rochers que les marées dépassent Et qui ont à jamais le cœur à marée basse Avec infiniment de brumes à venir Avec le vent de l'est écoutez-le tenir Le plat pays qui est le mien Avec des cathédrales pour uniques montagnes Et de noirs clochers comme mâts de cocagne Où des diables en pierre décrochent les nuages Avec le fil des jours pour unique voyage Et des chemins de pluie pour unique bonsoir Avec le vent d'ouest écoutez-le vouloir Le plat pays qui est le mien Avec un ciel si bas qu'un canal s'est perdu Avec un ciel si bas qu'il fait l'humilité Avec un ciel si gris qu'un canal s'est pendu Avec un ciel si gris qu'il faut lui pardonner Avec le vent du nord qui vient s'écarteler Avec le vent du nord écoutez-le craquer Le plat pays qui est le mien Avec de l'Italie qui descendrait l'Escaut Avec Frida la Blonde quand elle devient Margot Quand les fils de novembre nous reviennent en mai Quand la plaine est fumante et tremble sous juillet Quand le vent est au rire, quand le vent est au blé Quand le vent est au sud, écoutez-le chanter Le plat pays qui est le mien. Le prochain amour Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, Gérard Jouannest 1961 autres interprètes: Isabelle Aubret (1975) On a beau faire, on a beau dire Qu'un homme averti en vaut deux On a beau faire, on a beau dire Ça fait du bien d'être amoureux Je sais, je sais que ce prochain amour Sera pour moi la prochaine défaite Je sais déjà à l'entrée de la fête La feuille morte que sera le petit jour Je sais, je sais, sans savoir ton prénom Que je serai ta prochaine capture Je sais déjà que c'est par leur murmure Que les étangs mettent les fleuves en prison Mais on a beau faire, on a beau dire Qu'un homme averti en vaut deux On a beau faire, on a beau dire Ça fait du bien d'être amoureux Je sais, je sais que ce prochain amour Ne vivra pas jusqu'au prochain été Je sais déjà que le temps des baisers Pour deux chemins ne dure qu'un carrefour Je sais, je sais que ce prochain amour Sera pour moi la prochaine des guerres Je sais déjà cette affreuse prière Qu'il faut pleurer quand l'autre est le vainqueur Mais on a beau faire, on a beau dire Qu'un homme averti en vaut deux On a beau faire, on a beau dire Ça fait du bien d'être amoureux Je sais, je sais que ce prochain amour Sera pour nous de vivre un nouveau règne Dont nous croirons tous deux porter les chaînes Dont nous croirons que l'autre a le velours Je sais, je sais que ma tendre faiblesse Fera de nous des navires ennemis Mais mon cœur sait des navires ennemis Partant ensemble pour pêcher la tendresse Car on a beau faire, on a beau dire Qu'un homme averti en vaut deux On a beau dire Ça fait du bien d'être amoureux Le tango funèbre Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest 1964 Ah! Je les vois déjà Me couvrant de baisers Et s'arrachant mes mains Et demandant tout bas: "Est-ce que la mort s'en vient? Est-ce que la mort s'en va? Est-ce qu'il est encore chaud? Est-ce qu'il est déjà froid?" Ils ouvrent mes armoires Ils tâtent mes faïences Ils fouillent mes tiroirs Se régalant d'avance De mes lettres d'amour Enrubannées par deux Qu'ils liront près du feu En riant aux éclats Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Je les vois déjà Compassés et frileux Suivant comme des artistes Mon costume de bois Ils se poussent du cœur Pour être le plus triste Ils se poussent du bras Pour être le premier Z'ont amené des vieilles Qui ne me connaissaient plus Z'ont amené des enfants Qui ne me connaissaient pas Pensent au prix des fleurs Et trouvent indécent De ne pas mourir au printemps Quand on aime le lilas Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Je les vois déjà Tous mes chers faux amis Souriant sous le poids Du devoir accompli Ah! Je te vois déjà Trop triste, trop à l'aise Protégeant sous le drap Tes larmes lyonnaises Tu ne sais même pas Sortant de mon cimetière Que tu entres en ton enfer Quand s'accroche à ton bras Le bras de ton quelconque Le bras de ton dernier Qui te fera pleurer Bien autrement que moi Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Je me vois déjà M'installant à jamais Bien au triste, bien au froid Dans mon champ d'osselets Ah! Je me vois déjà Je me vois tout au bout De ce voyage-là D'où l'on revient de tout Je vois déjà tout ça Et l'on a le brave culot D'oser me demander De n'plus boire que de l'eau De n'plus trousser les filles De mettre d'l'argent d'côté D'aimer l'filet d'maquereau Et d'crier: "Vive le roi!" Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Les amants de coeur Paroles et Musique: Jacques Brel 1964 Ils s'aiment, s'aiment en riant Ils s'aiment, s'aiment pour toujours Ils s'aiment tout au long du jour Ils s'aiment, s'aiment, s'aiment tant Qu'on dirait des anges d'amour Des anges fous se protégeant Quand se retrouvent en courant Les amants Les amants de cœur Les amants Ils s'aiment, s'aiment à la folie S'effeuillant à l'ombre des feux Se découvrant comme deux fruits Puis se trouvant n'être plus deux Se dénouant comme velours Se reprenant au petit jour Et s'endormant les plus heureux Les amants Les amants de cœur Les amants Ils s'aiment, s'aiment en tremblant Le cœur mouillé, le cœur battant Chaque seconde est une peur Qui croque le cœur entre ses dents Ils savent trop de rendez-vous Où ne vinrent que des facteurs Pour n'avoir pas peur du loup Les amants Les amants de cœur Les amants Ils s'aiment, s'aiment en pleurant Chaque jour un peu moins amants Quand ils ont bu tout leur mystère Deviennent comme sœur et frère Brûlent leurs ailes d'inquiétude Redeviennent deux habitudes Alors changent de partenaire Les amants Les amants de cœur Les amants Qui s'aiment, s'aiment en riant Qui s'aiment, s'aiment pour toujours Qui s'aiment tout au long du jour Qui s'aiment, s'aiment, s'aiment tant Qu'on dirait des anges d'amour Des anges fous se protégeant Quand ils se retrouvent en courant Les amants Les amants de cœur Les amants Les bergers Paroles et Musique: Jacques Brel 1964 Parfois ils nous arrivent avec leurs grands chapeaux Et leurs manteaux de laine que suivent leurs troupeaux Les bergers Ils montent du printemps quand s'allongent les jours Ou brûlés par l'été descendent vers les bourgs Les bergers Quand leurs bêtes s'arrêtent pour nous boire de l'eau Se mettent à danser à l'ombre d'un pipeau Les bergers Entre eux l'en est de vieux, entre eux l'en est de sages Qui appellent au puits tous les vieux du village Les bergers Ceux-là ont des histoires à nous faire telles peurs Que pour trois nuits au moins nous rêvons des frayeurs Des bergers Ils ont les mêmes rides et les mêmes compagnes Et les mêmes senteurs que leurs vieilles montagnes Les bergers Entre eux l'en est de jeunes, entre eux l'en est de beaux Qui appellent les filles à faire le gros dos Les bergers Ceux-là ont des sourires qu'on dirait une fleur Et des éclats de rire à faire jaillir de l'eau Les bergers Ceux-là ont des regards à vous brûler la peau A vous défiancer, à vous clouer le cœur Les bergers Mais tous ils nous bousculent, qu'on soit filles ou garçons Les garçons dans leurs rêves, les filles dans leurs frissons Les bergers Alors nous partageons le vin et le fromage Et nous croyons une heure faire partie du voyage Des bergers C'est un peu comme Noël, Noël et ses trésors Qui s'arrêteraient chez nous aux équinoxes d'or Les bergers Après ça ils s'en vont avec leurs grands chapeaux Et leurs manteaux de laine que suivent leurs troupeaux Les bergers Ils montent du printemps quand s'allongent les jours Ou brûlés par l'été descendent vers les bourgs Les bergers Quand leurs bêtes ont fini de nous boire notre eau Se remettent en route à l'ombre d'un pipeau Les bergers, les bergers, les bergers Les biches Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest 1962 Elles sont notre premier ennemi Quand elles s'échappent en riant Des pâturages de l'ennui Les biches Avec des cils comme des cheveux Des cheveux en accroche-faon Et seulement le bout des yeux Qui triche Si bien que le chasseur s'arrête Et que je sais des ouragans Qu'elles ont changés en poètes Les biches Et qu'on les chasse de notre esprit Ou qu'elles nous chassent en rougissant Elles sont notre premier ennemi Les biches de quinze ans Elles sont notre plus bel ennemi Quand elles ont l'éclat de la fleur Et déjà la saveur du fruit Les biches Qui passent toute vertu dehors Alors que c'est de tout leur cœur Alors que c'est de tout leur corps Qu'elles trichent Lorsqu'elles grignotent le mari Ou lorsqu'elles croquent le diamant Sur l'asphalte bleu de Paris Les biches Qu'on les chasse à coups de rubis Ou qu'elles nous chassent au sentiment Elles sont notre plus bel ennemi Les biches de vingt ans Elles sont notre pire ennemi Lorsqu'elles savent leur pouvoir Mais qu'elles savent leur sursis Les biches Quand un chasseur est une chance Quand leur beauté se lève tard Quand c'est avec toute leur science Qu'elles trichent Trompant l'ennui plus que le cerf Et l'amant avec l'autre amant Et l'autre amant avec le cerf Qui biche Mais qu'on les chasse à la folie Ou qu'elles nous chassent du bout des gants Elles sont notre pire ennemi Les biches d'après vingt ans Elles sont notre dernier ennemi Quand leurs seins tombent de sommeil Pour avoir veillé trop de nuits Les biches Quand elles ont le pas résigné Des pèlerins qui s'en reviennent Quand c'est avec tout leur passé Qu'elles trichent Afin de mieux nous retenir Nous qui ne servons à ce temps Qu'à les empêcher de vieillir Les biches Mais qu'on les chasse de notre vie Ou qu'elles nous chassent parce qu'il est temps Elles restent notre dernier ennemi Les biches de trop longtemps Les bigotes Paroles et Musique: Jacques Brel 1963 Elles vieillissent à petits pas De petits chiens en petits chats Les bigotes Elles vieillissent d'autant plus vite Qu'elles confondent l'amour et l'eau bénite Comme toutes les bigotes Ah! Si j’étais diable, en les voyant parfois Je crois que je me ferais châtrer Si j'étais Dieu en les voyant prier Je crois que je perdrais la foi Par les bigotes Elles processionnent à petits pas De bénitier en bénitier Les bigotes Et patati et patata Mes oreilles commencent à siffler Les bigotes Vêtues de noir comme Monsieur le curé Qui est trop bon avec les créatures Elles s'embigotent les yeux baissés Comme si Dieu dormait sous leurs chaussures De bigotes Le samedi soir après l'turbin On voit l'ouvrier parisien Mais pas d'bigotes Car c'est au fond de leur maison Qu'elles se préservent des garçons Les bigotes Qui préfèrent se ratatiner De vêpres en vêpres de messe en messe Toutes fières d'avoir pu conserver Le diamant qui dort entre leurs f… De bigotes Puis elles meurent à petits pas A petit feu, en petit tas Les bigotes Qui cimetièrent à petits pas Au petit jour, d'un petit froid De bigotes Et dans le ciel qui n'existe pas Les anges font vite un paradis pour elles Une auréole et deux bouts d'ailes Et elles s'envolent… à petits pas De bigotes Les blés Paroles et Musique: Jacques Brel 1956 Donne-moi la main Le soleil a paru Il nous faut prendre le chemin Le temps des moissons est venu Le blé nous a trop attendus Et nous attendons trop de pain Ta main sur mon bras Pleine de douceur Bien gentiment demandera De vouloir épargner les fleurs Ma faucille les évitera Pour éviter que tu ne pleures Les blés sont pour la faucille Les soleils pour l'horizon Les garçons sont pour les filles Et les filles pour les garçons Les blés sont pour la faucille Les soleils pour l'horizon Les garçons sont pour les filles Et les filles pour les garçons Donne-moi tes yeux Le soleil est chaud Et dans ton regard lumineux Il a fait jaillir des jets d'eau Qui mieux qu'un geste Mieux qu'un mot Rafraîchiront ton amoureux Penchée vers le sol Tu gerbes le blé Et si parfois ton jupon vole Pardonne-moi de regarder Les trésors que vient dévoiler Pour mon plaisir le vent frivole Les blés sont pour la faucille Les soleils pour l'horizon Les garçons sont pour les filles Et les filles pour les garçons Les blés sont pour la faucille Les soleils pour l'horizon Les garçons sont pour les filles Et les filles pour les garçons Donne-moi ton cœur Le soleil fatigué S'en est allé Chanter ailleurs La chanson des blés moissonnés Venu est le temps de s'aimer Il nous faut glaner le bonheur Ecrasés d'amour, éblouis de joie Je saluerai la fin du jour En te serrant tout contre moi Et tu combleras mon émoi En me disant que pour toujours Les blés sont pour la faucille Les soleils pour l'horizon Les garçons sont pour les filles Et les filles pour les garçons Les blés sont pour la faucille Les soleils pour l'horizon Les garçons sont pour les filles Et les filles pour les garçons Les bonbons (version 1964) Paroles et Musique: Jacques Brel 1964 J’vous ai apporté des bonbons Parce que les fleurs, c'est périssable Puis les bonbons, c'est tellement bon Bien que les fleurs soient plus présentables Surtout, quand elles sont en boutons Mais, j’vous ai apporté des bonbons J'espère qu'on pourra se promener Que madame vot’ mère ne dira rien On ira voir passer les trains A huit heures, moi, je vous ramènerai Quel beau dimanche pour la saison! J’vous ai apporté des bonbons Si vous saviez c’que je suis fier De vous voir pendue à mon bras Les gens me regardent de travers Y en a même qui rient derrière moi Le monde est plein de polissons J’vous ai apporté des bonbons Oh oui! Germaine, est moins bien qu’vous Oh oui! Germaine, elle est moins belle C'est vrai qu’Germaine a des ch’veux roux C'est vrai qu’Germaine, elle est cruelle Ça, vous avez mille fois raison J’vous ai apporté des bonbons Et nous voilà sur la Grand-Place Sur le kiosque, on joue Mozart Mais dites-moi qu’c'est par hasard Qu'il y a là votre ami Léon Si vous voulez qu’je cède la place J'avais apporté des bonbons Mais bonjour! Mademoiselle Germaine J'vous ai apporté des bonbons Parce que les fleurs, c'est périssable Puis les bonbons c'est tellement bon Bien que les fleurs soient plus présentables Surtout quand elles sont en boutons. Allez! J'vous ai apporté des bonbons Les bonbons (version 1967) Paroles et Musique: Jacques Brel 1967 Je viens rechercher mes bonbons Vois-tu, Germaine, j'ai eu trop mal Quand tu m'as fait cette réflexion Au sujet de mes cheveux longs C'est la rupture bête et brutale Je viens rechercher mes bonbons Maintenant je suis un autre garçon J'habite à l'Hôtel Georges Vé J'ai perdu l'accent bruxellois D'ailleurs plus personne n’a c’t accent-là Sauf Brel à la télévision Je viens rechercher mes bonbons Quand père m'agace, moi j'lui fais: "Zop!" Je traite ma mère de névropathe Faut dire que père est vachement bath Alors que mère est un peu snob Mais enfin tout ça, hein, c'est l'conflit des générations Je viens rechercher mes bonbons Et tous les samedis soir que j'peux Germaine, j'écoute pousser mes ch'veux Je fais "glou glou", je fais "miam miam" J'défile criant: "Paix au Vietnam!" Parce que enfin, enfin, j'ai mes opinions Je viens rechercher mes bonbons Oh! Mais c’est ça, votre jeune frère? Mademoiselle Germaine, c'est celui qui est flamingant? J'vous ai apporté des bonbons Parce que les fleurs c'est périssable Puis les bonbons c'est tellement bon Bien que les fleurs soient plus présentables Surtout quand elles sont en boutons J'vous ai apporté des bonbons… Les bourgeois Paroles: Jacques Brel. Musique: Jean Corti 1962 autres interprètes: Serge Reggiani, Florent Pagny (2008) Le cœur bien au chaud Les yeux dans la bière Chez la grosse Adrienne de Montalant Avec l'ami Jojo Et avec l'ami Pierre On allait boire nos vingt ans Jojo se prenait pour Voltaire Et Pierre pour Casanova Et moi, moi qui étais le plus fier Moi, moi, je me prenais pour moi Et quand vers minuit passaient les notaires Qui sortaient de l'hôtel des "Trois Faisans" On leur montrait notre cul et nos bonnes manières En leur chantant: Les bourgeois, c'est comme les cochons Plus ça devient vieux, plus ça devient bête Les bourgeois, c'est comme les cochons Plus ça devient vieux, plus ça devient… Le cœur bien au chaud Les yeux dans la bière Chez la grosse Adrienne de Montalant Avec l'ami Jojo Et avec l'ami Pierre On allait brûler nos vingt ans Voltaire dansait comme un vicaire Et Casanova n'osait pas Et moi, moi qui restais le plus fier Moi j'étais presque aussi saoul que moi Et quand vers minuit passaient les notaires Qui sortaient de l'hôtel des "Trois Faisans" On leur montrait notre cul et nos bonnes manières En leur chantant: Les bourgeois, c'est comme les cochons Plus ça devient vieux, plus ça devient bête Les bourgeois, c'est comme les cochons Plus ça devient vieux, plus ça devient… Le cœur au repos Les yeux bien sur Terre Au bar de l'hôtel des "Trois Faisans" Avec maître Jojo Et avec maître Pierre Entre notaires on passe le temps Jojo parle de Voltaire Et Pierre de Casanova Et moi, moi qui suis resté l'plus fier Moi, moi je parle encore de moi Et c'est en sortant vers minuit, Monsieur le Commissaire Que tous les soirs, de chez la Montalant De jeunes peigne-culs nous montrent leur derrière En nous chantant: Les bourgeois, c'est comme les cochons Plus ça devient vieux, plus ça devient bête Les bourgeois, c'est comme les cochons Plus ça devient vieux, plus ça devient… Les coeurs tendres Paroles et Musique: Jacques Brel 1967 note: Chanson du film "Un idiot à Paris". Y en a qui ont le cœur si large Qu'on y entre sans frapper Y en a qui ont le cœur si large Qu'on n'en voit que la moitié Y en a qui ont le cœur si frêle Qu'on le briserait du doigt Y en a qui ont le cœur trop frêle Pour vivre comme toi et moi Z'ont plein de fleurs dans les yeux Les yeux à fleur de peur De peur de manquer l'heure Qui conduit à Paris Y en a qui ont le cœur si tendre Qu'y reposent les mésanges Y en a qui ont le cœur trop tendre Moitié hommes et moitié anges Y en a qui ont le cœur si vaste Qu'ils sont toujours en voyage Y en a qui ont le cœur trop vaste Pour se priver de mirages Z'ont plein de fleurs dans les yeux Les yeux à fleur de peur De peur de manquer l'heure Qui conduit à Paris Y en a qui ont le cœur dehors Et ne peuvent que l'offrir Le cœur tellement dehors Qu'ils sont tous à s'en servir Celui-là a le cœur dehors Et si frêle et si tendre Que maudits soient les arbres morts Qui ne pourraient point l'entendre A plein de fleurs dans les yeux Les yeux à fleur de peur De peur de manquer l'heure Qui conduit à Paris Les désespérés Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest 1966 Se tiennent par la main Et marchent en silence Dans ces villes éteintes Que le crachin balance Ne sonnent que leurs pas Pas à pas fredonnés Ils marchent en silence Les désespérés Ils ont brûlé leurs ailes Ils ont perdu leurs branches Tellement naufragés Que la mort paraît blanche Ils reviennent d'amour Ils se sont réveillés Ils marchent en silence Les désespérés Et je sais leur chemin Pour l'avoir cheminé Déjà plus de cent fois Cent fois plus qu'à moitié Moins vieux ou plus meurtris Ils vont le terminer Ils marchent en silence Les désespérés Lente sous le pont L'eau est douce et profonde Voici la bonne hôtesse Voici la fin du monde Ils pleurent leurs prénoms Comme de jeunes mariés Et fondent en silence Les désespérés Que se lève celui Qui leur lance la pierre Ils ne sait de l'amour Que le verbe "s'aimer" Sur le pont n'est plus rien Qu'une brume légère Ça s'oublie en silence Ceux qui ont espéré Les F… Paroles: Jacques Brel. Musique: Joe Donato 1977 Les Flamingants, chanson comique! Messieurs les Flamingants, j'ai deux mots à vous rire Il y a trop longtemps que vous me faites frire A vous souffler dans l’cul, pour dev’nir autobus Vous voilà acrobates mais vraiment rien de plus Nazis durant les guerres et catholiques, entre elles Vous oscillez sans cesse du fusil au missel Vos regards sont lointains, votre humour est exsangue Bien qu'il y ait des rues à Gand qui pissent dans les deux langues Tu vois, quand j’pense à vous, j'aime que rien ne se perde Messieurs les Flamingants, je vous emmerde Vous salissez la Flandre, mais la Flandre vous juge Voyez la mer du Nord, elle s'est enfuie de Bruges Cessez de me gonfler mes vieilles roubignoles Avec votre art flamand italo-espagnol Vous êtes tellement, tellement beaucoup trop lourds Que quand les soirs d'orage, des Chinois cultivés Me demandent d'où je suis, je réponds fatigué Et les larmes aux dents: "Ik ben van Luxembourg" Et si, aux jeunes femmes, on ose un chant flamand Elles s'envolent en rêvant aux oiseaux roses et blancs Et je vous interdis d'espérer que jamais A Londres, sous la pluie, on puisse vous croire anglais Et je vous interdis, à New York ou Milan D'éructer, messeigneurs, autrement qu'en flamand Vous n'aurez pas l'air con, vraiment pas con du tout Et moi, je m'interdis de dire que je m'en fous Et je vous interdis d'obliger nos enfants Qui ne vous ont rien fait, à aboyer flamand Et si mes frères se taisent et bien tant pis pour elles Je chante, persiste et signe, je m'appelle: Jacques Brel Les fenêtres Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest 1963 Les fenêtres nous guettent Quand notre cœur s'arrête En croisant Louisette Pour qui brûlent nos chairs Les fenêtres rigolent Quand elles voient la frivole Qui offre sa corole A un clerc de notaire Les fenêtres sanglotent Quand à l'aube falote Un enterrement cahote Jusqu'au vieux cimetière Mais les fenêtres froncent Leurs corniches de bronze Quand elles voient les ronces Envahir leur lumière Les fenêtres murmurent Quand tombent en chevelure Les pluies de la froidure Qui mouillent les adieux Les fenêtres chantonnent Quand se lève à l'automne Le vent qui abandonne Les rues aux amoureux Les fenêtres se taisent Quand l'hiver les apaise Et que la neige épaisse Vient leur fermer les yeux Mais les fenêtres jacassent Quand une femme passe Qui habite l'impasse Où passent les messieurs La fenêtre est un œuf Quand elle est œil-de-bœuf Qui attend comme un veuf Au coin d'un escalier La fenêtre bataille Quand elle est soupirail D'où le soldat mitraille Avant de succomber Les fenêtres musardent Quand elles sont mansardes Et abritent les hardes D'un poète oublié Mais les fenêtres gentilles Se recouvrent de grilles Si par malheur on crie: "Vive la liberté" Les fenêtres surveillent L'enfant qui s'émerveille Dans un cercle de vieilles A faire ses premiers pas Les fenêtres sourient Quand quinze ans trop jolis Et quinze ans trop grandis S'offrent un premier repas Les fenêtres menacent Les fenêtres grimacent Quand parfois j'ai l'audace D'appeler un chat un chat Les fenêtres me suivent Me suivent et me poursuivent Jusqu'à c'que peur s'ensuive Tout au fond de mes draps Les fenêtres souvent {x3} Traitent impunément De voyous des enfants Qui cherchent qui aimer Les fenêtres souvent Soupçonnent ces manants Qui dorment sur les bancs Et parlent l'étranger Les fenêtres souvent Se ferment en riant Se ferment en criant Quand on y va chanter Ah, je n'ose pas penser Qu'elles servent à voiler Plus qu'à laisser entrer La lumière de l'été Non je préfère penser Qu'une fenêtre fermée Ça ne sert qu'à aider Les amants à s'aimer {2x} Les filles et les chiens Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest 1963 Les filles C'est beau comme un jeu C'est beau comme un feu C'est beaucoup trop peu Les filles C'est beau comme un fruit C'est beau comme la nuit C'est beaucoup d'ennuis Les filles C'est beau comme un r'nard C'est beau comme un r'tard C'est beaucoup trop tard Les filles C'est beau tant qu'ça peut C'est beau comme l'adieu Et c'est beaucoup mieux Mais les chiens C'est beau comme des chiens Et ça reste là A nous voir pleurer Les chiens Ça ne nous dit rien C'est peut-être pour ça Qu'on croit les aimer Les filles Ça vous pend au nez Ça vous prend au thé Ça vous prend les dés Les filles Ça vous pend au cou Ça vous pend au clou Ça dépend de vous Les filles Ça vous pend au cœur Ça se pend aux fleurs Ça dépend des heures Les filles Ça dépend de tout Ça dépend surtout Ça dépend des sous Mais les chiens Ça n'dépend de rien Et ça reste là A nous voir pleurer Les chiens Ça ne nous dit rien C'est peut-être pour ça Qu'on croit les aimer Les filles Ça joue au cerceau Ça joue du cerveau Ça se joue tango Les filles Ça joue l'amadou Ça joue contre joue Ça se joue de vous Les filles Ça joue à jouer Ça joue à aimer Ça joue pour gagner Les filles Qu'elles jouent les p'tites femmes Qu'elles jouent les grandes dames Ça se joue en drames Mais les chiens Ça ne joue à rien Parce que ça n'sait pas Comment faut tricher Les chiens Ça ne joue à rien C'est peut-être pour ça Qu'on croit les aimer Les filles Ça donne à rêver Ça donne à penser Ça vous donne congé Les filles Ça se donne pourtant Ça se donne un temps C'est donnant donnant Les filles Ça donne de l'amour A chacun son tour Ça donne sur la cour Les filles Ça vous donne son corps Ça se donne si fort Que ça donne des r'mords Mais les chiens Ça ne vous donne rien Parce que ça n'sait pas Faire semblant d'donner Les chiens Ça ne vous donne rien C'est peut-être pour ça Qu'on doit les aimer Et c'est pourtant pour les filles Qu'au moindre matin Qu'au moindre chagrin On renie ses chiens Les flamandes Paroles et Musique: Jacques Brel 1959 Les Flamandes dansent sans rien dire Sans rien dire aux dimanches sonnants Les Flamandes dansent sans rien dire Les Flamandes ça n'est pas causant Si elles dansent, c'est parce qu'elles ont vingt ans Et qu'à vingt ans il faut se fiancer Se fiancer pour pouvoir se marier Et se marier pour avoir des enfants C'est ce que leur ont dit leurs parents Le bedeau et même son Eminence L'Archiprêtre qui prêche au couvent Et c'est pour ça et c'est pour ça qu'elles dansent Les Flamandes Les Flamandes Les Fla – Les Fla – Les Flamandes Les Flamandes dansent sans frémir Sans frémir aux dimanches sonnants Les Flamandes dansent sans frémir Les Flamandes ça n'est pas frémissant Si elles dansent, c'est parce qu'elles ont trente ans Et qu'à trente ans il est bon de montrer Que tout va bien, que poussent les enfants Et le houblon et le blé dans le pré Elles font la fierté de leurs parents Et du bedeau et de son Eminence L'Archiprêtre qui prêche au couvent Et c'est pour ça et c'est pour ça qu'elles dansent Les Flamandes Les Flamandes Les Fla – Les Fla – Les Flamandes Les Flamandes dansent sans sourire Sans sourire aux dimanches sonnants Les Flamandes dansent sans sourire Les Flamandes ça n'est pas souriant Si elles dansent, c'est qu'elles ont septante ans Qu'à septante ans il est bon de montrer Que tout va bien, que poussent les p'tits-enfants Et le houblon et le blé dans le pré Toutes vêtues de noir comme leurs parents Comme le bedeau et comme son Eminence L'Archiprêtre qui radote au couvent Elles héritent et c'est pour ça qu'elles dansent Les Flamandes Les Flamandes Les Fla – Les Fla – Les Flamandes Les Flamandes dansent sans mollir Sans mollir aux dimanches sonnants Les Flamandes dansent sans mollir Les Flamandes ça n'est pas mollissant Si elles dansent, c'est parce qu'elles ont "chent" ans Et qu'à "chent" ans il est bon de montrer Que tout va bien, qu'on a toujours bon pied Et bon houblon et bon blé dans le pré Elles s'en vont retrouver leurs parents Et le bedeau et même Son Eminence L'Archiprêtre qui radote au couvent Et c'est pour ça qu'une dernière fois elles dansent Les Flamandes Les Flamandes Les Fla – Les Fla -Les Flamandes. Les jardins du casino Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest 1964 Les musiciens sortent leurs moustaches Et leurs violons et leur saxo Et la polka se met en marche Dans les jardins du casino Où glandouillent en papotant De vieilles vieilles qui ont la gratouille Et de moins vieilles qui ont la chatouille Et des messieurs qui ont le temps Passent aussi, indifférents Quelques jeunes gens faméliques Qui sont encore confondant L'érotisme et la gymnastique Tout ça dresse une muraille de Chine Entre le pauvre ami Pierrot Et sa fugace Colombine Dans les jardins du casino Les musiciens frétillent des moustaches Et du violon et du saxo Quand la polka guide la démarche De la beauté du casino Quelques couples protubérants Dansent comme des escalopes Avec des langueurs d'héliotrope Devant les faiseuses de cancans Un colonel encivilé Présente à de fausses duchesses Compliments et civilités Et baise-mains, et ronds de fesses Tout ça n'arrange pas, on le devine Les affaires du pauvre Pierrot Cherchant fugace Colombine Dans les jardins du casino Et puis, le soir tombe par taches Les musiciens rangent leur saxo Et leurs violons et leurs moustaches Dans les jardins du casino Les jeunes filles rentrent aux tanières Sans ce jeune homme ou sans ce veuf Qui devait leur offrir la litière Où elles auraient pondu leur œuf Les vieux messieurs rentrent au bercail Retrouver le souvenir jauni De leur madame Bovary Qu'ils entretiennent, vaille que vaille Il ne demeure que l'opaline De l'âme du pauvre Pierrot Pleurant fugace Colombine Dans les jardins du casino Du casino Les Marquises Paroles et Musique: Jacques Brel 1977 Ils parlent de la mort comme tu parles d'un fruit Ils regardent la mer comme tu regardes un puits Les femmes sont lascives au soleil redouté Et s'il n'y a pas d'hiver, cela n'est pas l'été La pluie est traversière, elle bat de grain en grain Quelques vieux chevaux blancs qui fredonnent Gauguin Et par manque de brise, le temps s'immobilise Aux Marquises Du soir, montent des feux et des points de silence Qui vont s'élargissant, et la lune s'avance Et la mer se déchire, infiniment brisée Par des rochers qui prirent des prénoms affolés Et puis, plus loin, des chiens, des chants de repentance Et quelques pas de deux et quelques pas de danse Et la nuit est soumise et l'alizé se brise Aux Marquises Le rire est dans le cœur, le mot dans le regard Le cœur est voyageur, l'avenir est au hasard Et passent des cocotiers qui écrivent des chants d'amour Que les sœurs d'alentour ignorent d'ignorer Les pirogues s'en vont, les pirogues s'en viennent Et mes souvenirs deviennent ce que les vieux en font Veux-tu que je te dise: gémir n'est pas de mise Aux Marquises Les moutons Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, Gérard Jouannest 1967 "Les Marquises" Désolé, bergère J'aime pas les moutons Qu'ils soient pure laine Ou en chapeau melon Qu'ils broutent leur colline Qu'ils broutent le béton Menés par quelques chiens Et par quelques bâtons Désolé, bergère J'aime pas les moutons Désolé, bergère J'aime pas les agneaux Qui arrondissent le dos De troupeau en troupeau De troupeau en étable Et d'étable en bureau J'aime encore mieux les loups J'aime mieux les moineaux Désolé, bergère J'aime pas les agneaux Désolé, bergère J'aime pas les brebis Ça arrive tout tordu Et ça dit déjà "oui" Ça se retrouve tondu Et ça vous redit "oui" Ça se balance en boucherie Et ça re-redit "oui" Désolé, bergère J'aime pas les brebis Désolé, bergère J'aime pas les troupeaux Qui ne voient pas plus loin Que le bout de leur coteau Qui avancent en reculant Qui se noient dans un verre d'eau… bénite Et dès que le vent se lève Montrent le bas de leur dos Désolé, bergère J'aime pas les troupeaux Désolé, bergère J'aime pas les bergers Désolé, bergère J'aime pas les bergers Il pleut, il pleut, bergère Prends garde à te garder Prends garde à te garder, bergère Un jour tu vas bêler Désolé, bergère J'aime pas les bergers Désolé bergère J'aime pas les moutons Qu'ils soient pure laine Ou en chapeau melon Qu'ils broutent leur colline Qu'ils broutent le béton Menés par quelques chiens Et par quelques bâtons Désolé bergère J'aime pas les moutons Bêêêêê Les paumés du petit matin Paroles: Jacques Brel. Musique: François Rauber 1962 Ils s'éveillent à l'heure du berger Pour se lever à l'heure du thé Et sortir à l'heure de plus rien Les paumés du petit matin Elles, elles ont l'arrogance Des filles qui ont de la poitrine Eux, ils ont cette assurance Des hommes dont on devine Que le papa a eu d'la chance Les paumés du petit matin Venez danser Copain, copain, copain, copain Copain, copain, copain Venez danser Et ça danse les yeux dans les seins Ils se blanchissent leurs nuits Au lavoir des mélancolies Qui lave sans salir les mains Les paumés du petit matin Ils se racontent à minuit Les poèmes qu'ils n'ont pas lus Les romans qu'ils n'ont pas écrits Les amours qu'ils n'ont pas vécues Les vérités qui n'servent à rien Les paumés du petit matin Venez danser Copain, copain, copain, copain Copain, copain, copain Venez danser Et ça danse les yeux dans les seins L'amour leur déchire le foie. Ah… Ah! C'était… c'était si bien C'était… Ah ah ah vous ne comprendriez pas Les paumés du petit matin Ils prennent le dernier whisky Ils prennent le dernier bon mot Ils reprennent le dernier whisky Ils prennent le dernier tango Ils prennent le dernier chagrin Les paumés du petit matin Venez pleurer Copain, copain, copain, allez! Allez! Venez, venez Allez! Venez pleurer Et ça pleure les yeux dans les seins Les paumés du petit matin Les pieds dans le ruisseau Paroles et Musique: Jacques Brel 1955 { Refrain: } Les pieds dans le ruisseau Moi je regarde couler la vie Les pieds dans le ruisseau Moi je regarde sans dire un mot Les gentils poissons Me content leur vie En faisant des ronds Sur l'onde jolie Et moi je réponds En gravant dans l'eau Des mots, jolis mots Mots de ma façon {au Refrain} Au fil du courant S'efface une lettre Lettre d'un amant Disparu peut-être Ah! Que je voudrais Trouver près de moi Une fille dont j'pourrais Caresser les doigts {au Refrain} Et quand le crapaud Berce au crépuscule Parmi les roseaux Dame libellule Penchant mon visage Au-dessus de l'eau Je vois mon image Moi, je vois… moi, je vois l’idiot Les prénoms de Paris Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest 1962 Le soleil qui se lève Et caresse les toits Et c'est Paris le jour La Seine qui se promène Et me guide du doigt Et c'est Paris toujours Et mon cœur qui s'arrête Sur ton cœur qui sourit Et c'est Paris bonjour Et ta main dans ma main Qui me dit déjà oui Et c'est Paris l'amour Le premier rendez-vous A l'île Saint-Louis C'est Paris qui commence Et le premier baiser Volé aux Tuileries Et c'est Paris la chance Et le premier baiser Reçu sous un portail Et c'est Paris romance Et deux têtes qui tournent En regardant Versailles Et c'est Paris la France Des jours que l'on oublie Qui oublient de nous voir Et c'est Paris l'espoir Des heures où nos regards Ne sont qu'un seul regard Et c'est Paris miroir Rien que des nuits encore Qui séparent nos chansons Et c'est Paris bonsoir Et ce jour-là enfin Où tu ne dis plus non Et c'est Paris ce soir Une chambre un peu triste Où s'arrête la ronde Et c'est Paris nous deux Un regard qui reçoit La tendresse du monde Et c'est Paris tes yeux Ce serment que je pleure Plutôt que ne le dis C'est Paris si tu veux Et savoir que demain Sera comme aujourd'hui C'est Paris merveilleux Mais la fin du voyage La fin de la chanson Et c'est Paris tout gris Dernier jour, dernière heure Première larme aussi Et c'est Paris la pluie Ces jardins remontés Qui n'ont plus leur parure Et c'est Paris l'ennui La gare où s'accomplit La dernière déchirure Et c'est Paris fini Loin des yeux loin du cœur Chassé du paradis Et c'est Paris chagrin Mais une lettre de toi Une lettre qui dit oui Et c'est Paris demain Des villes et des villages Les roues tremblent de chance C'est Paris en chemin Et toi qui m'attends là Et tout qui recommence Et c'est Paris je reviens. Les remparts de Varsovie Paroles et Musique: Jacques Brel 1977 note: Extrait de la comédie musicale "Vilebrequin". Madame promène son cul sur les remparts de Varsovie Madame promène son cœur sur les ringards de sa folie Madame promène son ombre sur les grand-places de l'Italie Je trouve que Madame vit sa vie Madame promène à l'aube les preuves de ses insomnies Madame promène à ch'val ses états d'âmes et ses lubies Madame promène un con qui assure que madame est jolie Je trouve que Madame est servie Tandis que moi tous les soirs Je suis vestiaire à l'Alcazar Madame promène l'été jusque dans le Midi d'la France Madame promène ses seins jusque dans le midi d'la chance Madame promène son spleen tout au long du lac de Constance Je trouve Madame de circonstance Madame promène son chien, un boudin noir nommé Byzance Madame traîne son enfance et change selon les circonstances Madame promène partout son accent russe avec aisance C'est vrai qu'Madame est de Valence Tandis que moi tous les soirs Je suis barman à l'Alcazar Madame promène son ch'veu qui a la senteur des nuits de Chine Madame promène son r'gard sur tous les vieux qui ont des usines Madame promène son rire comme d'autres promènent leur vaseline Je trouve que Madame est coquine Madame promène ses cuites de verre en verre, de fine en fine Madame promène les gènes de vingt mille officiers d'marine Madame raconte partout qu'on m'appelle "tata Jacqueline" Je trouve Madame mauvaise copine Tandis que moi tous les soirs J'suis chanteuse légère à l'Alcazar Madame promène ses mains dans les différents corps d'armée Madame promène mes sous chez des d'mi-sel de bas quartiers Madame promène carrosse qu'elle voudrait bien me voir tirer Je trouve que Madame est gonflée Madame promène banco qu'elle veut bien me laisser régler Madame promène bijoux qu'elle veut bien me faire facturer Madame promène ma Rolls que poursuivent quelques huissiers Je trouve que Madame est pressée Tandis que moi tous les soirs Je fais la plonge à l'Alcazar Madame promène son cul sur les remparts de Varsovie Madame promène son cœur sur les ringards de sa folie Madame promène son ombre sur les grand-places de l'Italie Je trouve que Madame vit sa vie Madame promène à l'aube les preuves de ses insomnies Madame promène à ch'val ses états d'âmes et ses lubies Madame promène un con qui assure que Madame est jolie Je trouve que Madame est servie Tandis que moi tous les soirs Je suis vestiaire à l'Alcazar Madame promène l'été jusque dans le Midi d'la France Madame promène ses seins jusque dans le midi d'la chance Madame promène son spleen tout au long du lac de Constance Je trouve Madame de circonstance Madame promène son chien, un boudin noir nommé Byzance Madame traîne son enfance et change selon les circonstances Madame promène partout son accent russe avec aisance C'est vrai que Madame est de Valence Madame promène l'été jusque dans le Midi d'la France Madame promène ses seins jusque dans le Midi d'la chance Madame promène son spleen tout au long du lac de Constance Les singes Paroles et Musique: Jacques Brel 1961 Avant eux, avant les culs pelés La fleur, l'oiseau et nous étions en liberté Mais ils sont arrivés, et la fleur est en pot Et l'oiseau est en cage et nous en numéro Car ils ont inventé prisons et condamnés Et casiers judiciaires et trous dans la serrure Et les langues coupées des premières censures Et c'est depuis lors qu'ils sont civilisés Les singes, les singes, les singes de mon quartier Les singes, les singes, les singes de mon quartier Avant eux il n'y avait pas d'problème Quand poussaient les bananes même pendant le Carême Mais ils sont arrivés bardés d'intolérances Pour chasser en apôtres d'autres intolérances Car ils ont inventé la chasse aux Albigeois La chasse aux infidèles et la chasse à ceux-là La chasse aux singes sages qui n'aiment pas chasser Et c'est depuis lors qu'ils sont civilisés Les singes, les singes, les singes de mon quartier Les singes, les singes, les singes de mon quartier Avant eux l'homme était un prince La femme une princesse, l'amour une province Mais ils sont arrivés, le prince est un mendiant La province se meurt, la princesse se vend Car ils ont inventé l'amour qui est un péché L'amour qui est une affaire, le marché aux pucelles Le droit de courte-cuisse et les mères maquerelles Et c'est depuis lors qu'ils sont civilisés Les singes, les singes, les singes de mon quartier Les singes, les singes, les singes de mon quartier Avant eux il y avait paix sur Terre Quand pour dix éléphants il n'y avait qu'un militaire Mais ils sont arrivés et c'est à coups de bâtons Que la raison d'État a chassé la raison Car ils ont inventé le fer à empaler Et la chambre à gaz et la chaise électrique Et la bombe au napalm et la bombe atomique Et c'est depuis lors qu'ils sont civilisés Les singes, les singes, les singes de mon quartier Les singes de mon quartier Les timides Paroles et Musique: Jacques Brel 1964 autres interprètes: Juliette (1998) Les timides Ça s'tortille Ça s'entortille Ça sautille Ça s'met en vrille Ça s'recroqueville Ça rêve d'être un lapin Peu importe D'où ils sortent Mais feuilles mortes Quand le vent les porte Devant nos portes On dirait qu'ils portent Une valise dans chaque main Les timides Suivent l'ombre L'ombre sombre De leur ombre Seule la pénombre Sait le nombre De leurs pudeurs de Levantin Ils se plissent Ils pâlissent Ils jaunissent Ils rosissent Ils rougissent S'écrevissent Une valise dans chaque main Mais les timides Un soir d'audace Devant leur glace Rêvant d'espace Mettent leur cuirasse Et alors place! Allons, Paris Tiens-toi bien! Et vive la gare Saint-Lazare Mais on s’égare On s’effare On s’ désempare Et on repart Une valise dans chaque main Les timides Quand ils chavirent Pour une Elvire Ont des soupirs Ont des désirs Qu'ils désirent dire Mais ils n'osent pas bien Et leur maîtresse Plus prêtresse En ivresse Qu'en tendresse Un soir les laisse Du bout des fesses Une valise dans chaque main Les timides Alors vieillissent Alors finissent Se rapetissent Et quand ils glissent Dans les abysses Je veux dire Quand ils meurent N'osent rien dire Rien maudire N'osent frémir N'osent sourire Juste un soupir Et ils meurent Une valise sur le cœur Les toros Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest, Jean Corti 1963 Les toros s'ennuient le dimanche Quand il s'agit de courir pour nous Un peu de sable, du soleil et des planches Un peu de sang pour faire un peu de boue Mais c'est l'heure où les épiciers se prennent pour Don Juan C'est l'heure où les Anglaises se prennent pour Montherlant Ah! Qui nous dira à quoi ça pense Un toro qui tourne et danse Et s'aperçoit soudain qu'il est tout nu? Ah! Qui nous dira à quoi ça rêve Un toro dont l'œil se lève Et qui découvre les cornes des cocus? Les toros s'ennuient le dimanche Quand il s'agit de souffrir pour nous Mais voici les picadors et la foule se venge Voici les toreros, la foule est à genoux Et c'est l'heure où les épiciers se prennent pour Garcia Lorca C'est l'heure où les Anglaises se prennent pour la Carmencita Les toros s'ennuient le dimanche Quand il s'agit de mourir pour nous Mais l'épée va plonger et la foule se penche Mais l'épée a plongé et la foule est debout C'est l'instant de triomphe où les épiciers se prennent pour Néron C'est l'instant de triomphe où les Anglaises se prennent pour Wellington Ah! Est-ce qu'en tombant à terre Les toros rêvent d'un enfer Où brûleraient hommes et toreros défunts? Ah! Ou bien à l'heure du trépas Ne nous pardonneraient-ils pas En pensant à Carthage, Waterloo et Verdun? Verdun! Les vieux Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, Gérard Jouannest, Jean Corti 1963 autres interprètes: Isabelle Aubret (1975), Richard Anthony Les vieux ne parlent plus ou alors seulement parfois du bout des yeux Même riches ils sont pauvres, ils n'ont plus d'illusions et n'ont qu'un cœur pour deux Chez eux ça sent le thym, le propre, la lavande et le verbe d'antan Que l'on vive à Paris on vit tous en province quand on vit trop longtemps Est-ce d'avoir trop ri que leur voix se lézarde quand ils parlent d'hier Et d'avoir trop pleuré que des larmes encore leur perlent aux paupières? Et s'ils tremblent un peu est-ce de voir vieillir la pendule d'argent Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui dit: je vous attends? Les vieux ne rêvent plus, leurs livres s'ensommeillent, leurs pianos sont fermés Le petit chat est mort, le muscat du dimanche ne les fait plus chanter Les vieux ne bougent plus, leurs gestes ont trop de rides, leur monde est trop petit Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit Et s'ils sortent encore bras dessus, bras dessous, tout habillés de raide C'est pour suivre au soleil l'enterrement d'un plus vieux, l'enterrement d'une plus laide Et le temps d'un sanglot, oublier toute une heure la pendule d'argent Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, et puis qui les attend Les vieux ne meurent pas, ils s'endorment un jour et dorment trop longtemps Ils se tiennent la main, ils ont peur de se perdre et se perdent pourtant Et l'autre reste là, le meilleur ou le pire, le doux ou le sévère Cela n'importe pas, celui des deux qui reste se retrouve en enfer Vous le verrez peut-être, vous la verrez parfois en pluie et en chagrin Traverser le présent en s'excusant déjà de n'être pas plus loin Et fuir devant vous une dernière fois la pendule d'argent Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui leur dit: je t'attends Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non et puis qui nous attend. Litanies pour un retour Paroles: Jacques Brel. Musique: François Rauber 1958 Mon cœur ma mie mon âme Mon ciel mon feu ma flamme Mon puits ma source mon val Mon miel mon baume mon Graal Mon blé mon or ma terre Mon soc mon roc ma pierre Ma nuit ma soif ma faim Mon jour mon aube mon pain Ma voile ma vague mon guide ma voix Mon sang ma force ma fièvre mon moi Mon chant mon rire mon vin ma joie Mon aube mon cri ma vie ma foi Mon cœur ma mie mon âme Mon ciel mon feu ma flamme Mon corps ma chair mon bien Voilà que tu reviens Madeleine Paroles: Jacques Brel. Musique: Jean Corti, Gérard Jouannest 1962 autres interprètes: Pierre Bachelet (2003) Ce soir j'attends Madeleine J'ai apporté du lilas J'en apporte toutes les s'maines Madeleine elle aime bien ça Ce soir j'attends Madeleine On prendra le tram trente-trois Pour manger des frites chez Eugène Madeleine elle aime tant ça Madeleine c'est mon Noël C'est mon Amérique à moi Même qu'elle est trop bien pour moi Comme dit son cousin Joël Mais ce soir j'attends Madeleine On ira au cinéma Je lui dirai des "je t'aime" Madeleine elle aime tant ça Elle est tellement jolie Elle est tellement tout ça Elle est toute ma vie Madeleine que j'attends là Ce soir j'attends Madeleine Mais il pleut sur mes lilas Il pleut comme toutes les s'maines Et Madeleine n'arrive pas Ce soir j'attends Madeleine C'est trop tard pour l'tram trente-trois Trop tard pour les frites d'Eugène Madeleine n'arrive pas Madeleine c'est mon horizon C'est mon Amérique à moi Même qu'elle est trop bien pour moi Comme dit son cousin Gaston Mais ce soir j'attends Madeleine Il me reste le cinéma J’pourrai lui dire des "je t'aime" Madeleine elle aime tant ça Elle est tellement jolie Elle est tellement tout ça Elle est toute ma vie Madeleine qui n'arrive pas Ce soir j'attendais Madeleine Mais j'ai jeté mes lilas J'les ai j'tés comme toutes les s'maines Madeleine ne viendra pas Ce soir j'attendais Madeleine C'est fichu pour l'cinéma Je reste avec mes "je t'aime" Madeleine ne viendra pas Madeleine c'est mon espoir C'est mon Amérique à moi Mais sûr qu'elle est trop bien pour moi Comme dit son cousin Gaspard Ce soir j'attendais Madeleine Tiens le dernier tram s'en va On doit fermer chez Eugène Madeleine ne viendra pas Elle est, elle est pourtant tellement jolie Elle est pourtant tellement tout ça Elle est pourtant toute ma vie Madeleine qui n’viendra pas Mais demain j'attendrai Madeleine Je rapporterai du lilas J'en rapporterai toute la s'maine Madeleine elle aimera ça Demain j'attendrai Madeleine On prendra le tram trente-trois Pour manger des frites chez Eugène Madeleine elle aimera ça Madeleine c'est mon espoir C'est mon Amérique à moi Tant pis si elle est trop bien pour moi Comme dit son cousin Gaspard Demain j'attendrai Madeleine On ira au cinéma Je lui dirai des "je t'aime" Et Madeleine, elle aimera ça Mai 40 Paroles et Musique: Jacques Brel 2003 "Brel infiniment" note: Titre enregistré en 1977 publié à titre posthume. { Refrain: } On jouait un air comme celui-ci Lorsque la guerre s'est réveillée On jouait un air comme celui-ci Lorsque la guerre est arrivée Moi de mes onze ans d'altitude Je découvrais éberlué Des soldatesques fatiguées Qui ramenaient ma belgitude Les hommes devenaient des hommes Les gares avalaient des soldats Qui faisaient ceux qui n’s'en vont pas Et les femmes Les femmes s'accrochaient à leurs hommes {au Refrain} Et voilà que le printemps flambe Les canons passaient en chantant Et puis les voilà revenant Déjà la gueule entre les jambes Comme repassaient en pleurant Nos grands frères devenus vieillards Nos pères devenus brouillard Et les femmes Les femmes s'accrochaient aux enfants {au Refrain} Je découvris le réfugié C'est un paysan qui se nomade C'est un banlieusard qui s'évade D'une ville ouverte qui est fermée Je découvris le refusé C'est un armé que l'on désarme Et qui doit faire chemin à pied Et les femmes Les femmes s'accrochaient à leurs larmes {au Refrain} D'un ciel plus bleu qu'à l'habitude Ce mai 40 a salué Quelques allemands disciplinés Qui écrasaient ma belgitude L'honneur avait perdu patience Et chaque bourg connut la crainte Et chaque ville fut éteinte Et les femmes Les femmes s'accrochèrent au silence Marieke Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest 1962 Ay Marieke Marieke je t'aimais tant Entre les tours de Bruges et Gand Ay Marieke Marieke il y a longtemps Entre les tours de Bruges et Gand Zonder liefde warme liefde Waait de wind de stomme wind Zonder liefde warme liefde Weent de zee de grijze zee Zonder liefde warme liefde Lijdt het licht het donk're licht En schuurt het zand over mijn land Mijn platte land mijn Vlaanderland Ay Marieke Marieke le ciel flamand Couleur des tours de Bruges et Gand Ay Marieke Marieke le ciel flamand Pleure avec moi de Bruges à Gand Zonder liefde warme liefde Waait de wind c'est fini Zonder liefde warme liefde Weent de zee déjà fini Zonder liefde warme liefde Lijdt het licht tout est fini En schuurt het zand over mijn land Mijn platte land mijn Vlaanderland Ay Marieke Marieke le ciel flamand Pesait-il trop de Bruges à Gand Ay Marieke Marieke sur tes vingt ans Que j'aimais tant de Bruges à Gand Zonder liefde warme liefde Lacht de duivel de zwarte duivel Zonder liefde warme liefde Brandt mijn hart mijn oude hart Zonder liefde warme liefde Sterft de zomer de droeve zomer En schuurt het zand over mijn land Mijn platte land mijn Vlaanderland Ay Marieke Marieke revienne le temps Revienne le temps de Bruges et Gand Ay Marieke Marieke revienne le temps Où tu m'aimais de Bruges à Gand Ay Marieke Marieke le soir souvent Entre les tours de Bruges et Gand Ay Marieke Marieke tous les étangs M'ouvrent leurs bras de Bruges à Gand De Bruges à Gand de Bruges à Gand Mathilde Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest 1964 autres interprètes: Claude Nougaro (1974), Gérard Berliner, Florent Pagny (2008) Ma mère, voici le temps venu D'aller prier pour mon salut Mathilde est revenue Bougnat, tu peux garder ton vin Ce soir je boirai mon chagrin Mathilde est revenue Toi la servante, toi la Maria Vaudrait p't-être mieux changer nos draps Mathilde est revenue Mes amis, ne me laissez pas, non Ce soir je repars au combat Maudite Mathilde, puisque te v'là Mon cœur, mon cœur ne t'emballe pas Fais comme si tu ne savais pas Que la Mathilde est revenue Mon cœur, arrête de répéter Qu'elle est plus belle qu'avant l'été La Mathilde qui est revenue Mon cœur, arrête de bringuebaler Souviens-toi qu'elle t'a déchiré La Mathilde qui est revenue Mes amis, ne me laissez pas, non Dites-moi, dites-moi qu'il ne faut pas Maudite Mathilde puisque te v'là Et vous mes mains, restez tranquilles C'est un chien qui nous revient de la ville Mathilde est revenue Et vous mes mains, ne frappez pas Tout ça ne vous regarde pas Mathilde est revenue Et vous mes mains, ne tremblez plus Souvenez-vous quand j'vous pleurais d'ssus Mathilde est revenue Vous mes mains, ne vous ouvrez pas Vous mes bras, ne vous tendez pas Sacrée Mathilde puisque te v'là Ma mère, arrête tes prières Ton Jacques retourne en enfer Mathilde m'est revenue Bougnat, apporte-nous du vin Celui des noces et des festins Mathilde m'est revenue Toi la servante, toi la Maria Va tendre mon grand lit de draps Mathilde m'est revenue Amis, ne comptez plus sur moi Je crache au ciel encore une fois Ma belle Mathilde puisque te v'là, te v'là! Mon enfance Paroles et Musique: Jacques Brel 1967 Mon enfance passa De grisailles en silences De fausses révérences En manque de batailles L'hiver j'étais au ventre De la grande maison Qui avait jeté l'ancre Au nord parmi les joncs L'été à moitié nu Mais tout à fait modeste Je devenais indien Pourtant déjà certain Que mes oncles repus M'avaient volé le Far West Mon enfance passa Les femmes aux cuisines Où je rêvais de Chine Vieillissaient en repas Les hommes au fromage S'enveloppaient de tabac Flamands taiseux et sages Et ne me savaient pas Moi qui toutes les nuits Agenouillé pour rien Arpégeais mon chagrin Au pied du trop grand lit Je voulais prendre un train Que je n'ai jamais pris Mon enfance passa De servante en servante Je m'étonnais déjà Qu'elles ne fussent point plantes Je m'étonnais encore De ces ronds de famille Flânant de mort en mort Et que le deuil habille Je m'étonnais surtout D'être de ce troupeau Qui m'apprenait à pleurer Que je connaissais trop J'avais L'œil du berger Mais le cœur de l'agneau Mon enfance éclata Ce fut l'adolescence Et le mur du silence Un matin se brisa Ce fut la première fleur Et la première fille La première gentille Et la première peur Je volais je le jure Je jure que je volais Mon cœur ouvrait les bras Je n'étais plus barbare Et la guerre arriva Et nous voilà ce soir. Mon père disait Paroles et Musique: Jacques Brel 1967 Mon père disait: "C'est l'vent du nord Qui fait craquer les digues A Scheveningen A Scheveningen, petit Tellement fort Qu'on ne sait plus qui navigue La mer du Nord Ou bien les digues C'est le vent du nord Qui transperce les yeux Des hommes du nord Jeunes ou vieux Pour faire chanter Des carillons de bleus Venus du nord Au fond de leurs yeux" Mon père disait: "C'est le vent du nord Qui fait tourner la Terre Autour de Bruges Autour de Bruges, petit C'est le vent du nord Qu'a raboté la terre Autour des tours Des tours de Bruges Et qui fait qu'nos filles Ont l'regard tranquille Des vieilles villes Des vieilles villes Qui fait qu'nos belles Ont le cheveu fragile De nos dentelles De nos dentelles" Mon père disait: "C'est le vent du nord Qu'a fait craquer la terre Entre Zeebruges Entre Zeebruges, petit C'est le vent du Nord Qu'a fait craquer la terre Entre Zeebruges et l'Angleterre Et Londres n'est plus Comme avant le déluge Le point de Bruges Narguant la mer Londres n'est plus Que le faubourg de Bruges Perdu en mer Perdu en mer" Mais mon père disait: "C'est le vent du nord Qui portera en terre Mon corps sans âme Et sans colère C'est le vent du nord Qui portera en terre Mon corps sans âme Face à la mer C'est le vent du nord Qui me fera capitaine D'un brise-lames Ou d'une baleine C'est le vent du nord Qui me fera capitaine D'un brise-larmes Pour ceux que j'aime" Ne me quitte pas Paroles et Musique: Jacques Brel 1959 autres interprètes: Simone Langlois (1959), Nina Simone (1964), Isabelle Aubret (1975), Hugues Auffray, Johnny Hallyday (1984), Pierre Bachelet (2003), Florent Pagny (2008) Ne me quitte pas Il faut oublier Tout peut s'oublier Qui s'enfuit déjà Oublier le temps Des malentendus Et le temps perdu A savoir comment Oublier ces heures Qui tuaient parfois A coups de pourquoi Le cœur du bonheur Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Moi je t'offrirai Des perles de pluie Venues de pays Où il ne pleut pas Je creuserai la terre Jusqu'après ma mort Pour couvrir ton corps D'or et de lumière Je ferai un domaine Où l'amour sera roi Où l'amour sera loi Où tu seras reine Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Je t'inventerai Des mots insensés Que tu comprendras Je te parlerai De ces amants-là Qui ont vu deux fois Leurs cœurs s'embraser Je te raconterai L'histoire de ce roi Mort de n'avoir pas Pu te rencontrer Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas On a vu souvent Rejaillir le feu De l'ancien volcan Qu'on croyait trop vieux Il est paraît-il Des terres brûlées Donnant plus de blé Qu'un meilleur avril Et quand vient le soir Pour qu'un ciel flamboie Le rouge et le noir Ne s'épousent-ils pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Je n'vais plus pleurer Je n'vais plus parler Je me cacherai là A te regarder Danser et sourire Et à t'écouter Chanter et puis rire Laisse-moi devenir L'ombre de ton ombre L'ombre de ta main L'ombre de ton chien Mais Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas. On n'oublie rien Paroles: Jacques Brel. Musique: Gérard Jouannest 1960 autres interprètes: Isabelle Aubret (1975) On n'oublie rien de rien On n'oublie rien du tout On n'oublie rien de rien On s'habitue c'est tout Ni ces départs, ni ces navires Ni ces voyages qui nous chavirent De paysages en paysages Et de visages en visages Ni tous ces ports, ni tous ces bars Ni tous ces attrape-cafard Où l'on attend le matin gris Au cinéma de son whisky Ni tout cela, ni rien au monde Ne sait pas nous faire oublier Ne peut pas nous faire oublier Qu'aussi vrai que la Terre est ronde. On n'oublie rien de rien On n'oublie rien du tout On n'oublie rien de rien On s'habitue c'est tout Ni ces jamais ni ces toujours Ni ces "je t'aime" ni ces amours Que l'on poursuit à travers cœurs De gris en gris de pleurs en pleurs Ni ces bras blancs d'une seule nuit Collier de femme pour notre ennui Que l'on dénoue au petit jour Par des promesses de retour Ni tout cela ni rien au monde Ne sait pas nous faire oublier Ne peut pas nous faire oublier Qu'aussi vrai que la Terre est ronde On n'oublie rien de rien On n'oublie rien du tout On n'oublie rien de rien On s'habitue c'est tout Ni même ce temps où j'aurais fait Mille chansons de mes regrets Ni même ce temps où mes souvenirs Prendront mes rides pour un sourire Ni ce grand lit où mes remords Ont rendez-vous avec la mort Ni ce grand lit que je souhaite A certains jours comme une fête Ni tout cela ni rien au monde Ne sait pas nous faire oublier Ne peut pas nous faire oublier Qu'aussi vrai que la Terre est ronde On n'oublie rien de rien On n'oublie rien du tout On n'oublie rien de rien On s'habitue c'est tout Orly Paroles et Musique: Jacques Brel 1977 autres interprètes: Pierre Bachelet (2003), Coup d'Marron (2007), Florent Pagny (2008) Ils sont plus de deux mille Et je ne vois qu'eux deux La pluie les a soudés, Semble-t-il, l'un à l'autre Ils sont plus de deux mille Et je ne vois qu'eux deux Et je les sais qui parlent Il doit lui dire «Je t'aime!» Elle doit lui dire «Je t'aime!» Je crois qu'ils sont en train De ne rien se promettre Ces deux-là sont trop maigres Pour être malhonnêtes Ils sont plus de deux mille Et je ne vois qu'eux deux Et brusquement, il pleure Il pleure à gros bouillons Tout entourés qu'ils sont D'adipeux en sueur Et de bouffeurs d'espoir Qui les montrent du nez Mais ces deux déchirés Superbes de chagrin Abandonnent aux chiens L'exploit de les juger La vie ne fait pas de cadeau Et nom de Dieu c’est triste Orly, le dimanche, Avec ou sans Bécaud! Et maintenant, ils pleurent Je veux dire tous les deux Tout à l'heure c'était lui Lorsque je disais "il" Tout encastrés qu'ils sont Ils n'entendent plus rien Que les sanglots de l'autre Et puis Et puis infiniment Comme deux corps qui prient Infiniment, lentement, Ces deux corps se séparent Et en se séparant Ces deux corps se déchirent Et je vous jure qu'ils crient Et puis, ils se reprennent Redeviennent un seul Redeviennent le feu Et puis, se redéchirent Se tiennent par les yeux Et puis, en reculant Comme la mer se retire, Il consomme l'adieu Il bave quelques mots Agite une vague main Et brusquement, il fuit Fuit sans se retourner Et puis, il disparaît Bouffé par l'escalier La vie ne fait pas de cadeau Et nom de Dieu c'est triste Orly, le dimanche, Avec ou sans Bécaud! Et puis, il disparaît Bouffé par l'escalier Et elle, elle reste là Cœur en croix, bouche ouverte Sans un cri, sans un mot Elle connaît sa mort Elle vient de la croiser Voilà qu'elle se retourne Et se retourne encore Ses bras vont jusqu'à terre Ça y est! Elle a mille ans La porte est refermée La voilà sans lumière Elle tourne sur elle-même Et déjà elle sait Qu'elle tournera toujours Elle a perdu des hommes Mais là, elle perd l'amour L'amour le lui a dit Revoilà l'inutile Elle vivra de projets Qui ne feront qu'attendre La revoilà fragile Avant que d'être à vendre Je suis là, je la suis Je n'ose rien pour elle Que la foule grignote Comme un quelconque fruit Pardons Paroles et Musique: Jacques Brel 1956 note: le deuxième couplet était rarement chanté par Jacques Brel Pardon pour cette fille Que l'on a fait pleurer Pardon pour ce regard Que l'on quitte en riant Pardon pour ce visage Qu'une larme a changé Pardon pour ces maisons Où quelqu'un nous attend Et puis pour tous ces mots Que l'on dit mots d'amour Et que nous employons En guise de monnaie Et pour tous les serments Qui meurent au petit jour Pardon pour les jamais Pardon pour les toujours Pardon de ne plus voir Les choses comme elles sont Pardon d'avoir voulu Oublier nos vingt ans Pardon d'avoir laissé S'oublier nos leçons Pardon de renoncer A nos renoncements Et puis de se terrer Au milieu de sa vie Et puis de préférer Le salaire de Judas Pardon pour l'amitié Pardon pour les amis Pardon pour les hameaux Qui ne chantent jamais Pardon pour les villages Que l'on a oubliés Pardon pour les cités Où nul ne se connaît Pardon pour les pays Faits de sous-officiers Pardon d'être de ceux Qui se foutent de tout Et de ne pas avoir Chaque jour essayé Et puis pardon encore Et puis pardon surtout De ne jamais savoir Qui doit nous pardonner Pourquoi faut-il que les hommes s'ennuient? Paroles et Musique: Jacques Brel 1963 note: Complainte du film "Un roi sans divertissement", d'après le livre éponyme de Jean Giono. Pourtant les hôtesses sont douces Aux auberges bordées de neige Pourtant patientent les épouses Que les enfants ont prises au piège Pourtant les auberges sont douces Où le vin fait tourner manège Pourquoi faut-il que les hommes s'ennuient? Pourtant les villes sont paisibles Où tremblent cloches et clochers Mais le diable dort-il sous la bible Mais les rois savent-ils prier Pourtant les villes sont paisibles De blanc matin en blanc coucher Pourquoi faut-il que les hommes s'ennuient? Pourtant il nous reste à rêver Pourtant il nous reste à savoir Et tous ces loups qu'il faut tuer Tous ces printemps qu'il reste à boire Désespérance ou désespoir Il nous reste à être étonnés Pourquoi faut-il que les hommes s'ennuient? Pourtant il nous reste à tricher Être le pique et jouer cœur Être la peur et rejouer Être le diable et jouer fleur Pourtant il reste à patienter Bon an mal an on ne vit qu'une heure Pourquoi faut-il que les hommes s'ennuient? Prière païenne Paroles et Musique: Jacques Brel 1956 N'est-il pas vrai Marie que c'est prier pour vous Que de lui dire «Je t'aime» en tombant à genoux? N'est-il pas vrai Marie que c'est prier pour vous Que pleurer de bonheur en riant comme un fou Que couvrir de tendresse nos païennes amours C'est fleurir de prières chaque nuit, chaque jour? N'est-il pas vrai Marie que c'est chanter pour vous Que semer nos chemins, de simple poésie? N'est-il pas vrai Marie que c'est chanter pour vous Que voir en chaque chose, une chose jolie Que chanter pour l'enfant qui bientôt nous viendra C'est chanter pour l'Enfant qui repose en vos bras? N'est-il pas vrai Marie? N'est-il pas vrai Marie? Qu'avons-nous fait bonnes gens? Paroles et Musique: Jacques Brel 1955 Qu'avons-nous fait bonnes gens, dites-moi, De la bonté du monde? On l'aurait cachée au fond d'un bois Que ça ne m'étonnerait guère On l'aurait enfouie dix pieds sous terre Que ça ne m'étonnerait pas Et c'est dommage de ne plus voir A chaque soir, chaque matin Sur les routes, sur les trottoirs Une foule de petits Saint-Martin Qu'avons-nous fait bonnes gens, dites-moi, De tout l'amour du monde? On l'aurait vendu pour je ne sais quoi Que ça ne m'étonnerait guère On l'aurait vendu pour faire la guerre Que ça ne m'étonnerait pas Mais c'est dommage de ne plus voir Les amoureux qui ont vingt ans Se conter mille et une histoires Ne brûlent plus les feux de la Saint-Jean Mais nous retrouverons, bonnes gens, croyez-moi, Toutes ces joies profondes On les retrouverait au fond de soi Que ça ne m'étonnerait guère On les retrouverait sous la poussière Que ça ne m'étonnerait pas Et c'est tant mieux On pourra voir Enfin d'autres que les fous Chanter l'amour, chanter l'espoir Et les chanter avec des mots à vous Qu'attendons-nous bonnes gens, dites-moi, Pour retrouver ces choses Qu'attendons-nous bonnes gens? Dites-le-moi Quand maman reviendra Paroles et Musique: J. Brel/F. Rauber 1963 Quand ma maman reviendra C'est mon papa qui sera content Quand elle reviendra maman Qui c'est qui sera content c'est moi Elle reviendra comme chaque fois A cheval sur un chagrin d'amour Et pour mieux fêter son retour Toute la sainte famille sera là Et elle me rechantera les chansons Les chansons que j'aimais tellement On a tellement besoin de chansons Quand il paraît qu'on a vingt ans Quand mon frère il reviendra C'est mon papa qui sera content Quand il reviendra le Fernand Qui c'est qui sera content c'est moi Il reviendra de sa prison Toujours à cheval sur ses principes Il reviendra et toute l'équipe L'accueillera sur le perron Et il me racontera les histoires Les histoires que j'aimais tellement On a tellement besoin d'histoires Quand il paraît qu'on a vingt ans Quand ma sœur elle reviendra C'est mon papa qui sera content Quand reviendra la fille de maman Qui c'est qui sera content c'est moi Elle reviendra de Paris Sur le cheval d'un prince charmant Elle reviendra et toute la famille L'accueillera en pleurant Et elle me redonnera son sourire Son sourire que j'aimais tellement On a tellement besoin de sourires Quand il paraît qu'on a vingt ans Quand mon papa reviendra C'est mon papa qui sera content Quand il reviendra en gueulant Qui c'est qui sera content c'est moi Il reviendra du bistrot du coin A cheval sur une idée noire Il reviendra que quand il sera noir Que quand il en aura besoin Et il me redonnera des soucis Des soucis que j'aime pas tellement Mais il paraît qu'il faut des soucis Quand il paraît qu'on a vingt ans Si ma maman revenait Qu'est-ce qu'il serait content papa Si ma maman revenait Qui c'est qui serait content c'est moi Quand on n'a que l'amour Paroles et Musique: Jacques Brel 1956 autres interprètes: Dalida (1957), Isabelle Aubret (1975), Guesch Patti, Star Academy (2001), Céline Dion, Thierry Amiel (2003), Pierre Bachelet amp; Patricia Grillo (2003), Anaëlle (2006) Quand on n'a que l'amour A s'offrir en partage Au jour du grand voyage Qu'est notre grand amour Quand on n'a que l'amour Mon amour toi et moi Pour qu'éclatent de joie Chaque heure et chaque jour Quand on n'a que l'amour Pour vivre nos promesses Sans nulle autre richesse Que d'y croire toujours Quand on n'a que l'amour Pour meubler de merveilles Et couvrir de soleil La laideur des faubourgs Quand on n'a que l'amour Pour unique raison Pour unique chanson Et unique secours Quand on n'a que l'amour Pour habiller matin Pauvres et malandrins De manteaux de velours Quand on n'a que l'amour A offrir en prière Pour les maux de la terre En simple troubadour Quand on n'a que l'amour A offrir à ceux-là Dont l'unique combat Est de chercher le jour Quand on n'a que l'amour Pour tracer un chemin Et forcer le destin A chaque carrefour Quand on n'a que l'amour Pour parler aux canons Et rien qu'une chanson Pour convaincre un tambour Alors sans avoir rien Que la force d'aimer Nous aurons dans nos mains, Amis le monde entier Regarde bien, petit Paroles et Musique: Jacques Brel 1968 Regarde bien, petit, Regarde bien Sur la plaine là-bas À hauteur des roseaux Entre ciel et moulin Y a un homme qui vient Que je ne connais pas Regarde bien, petit, Regarde bien Est-ce un lointain voisin Un voyageur perdu Un revenant de guerre Un montreur de dentelles? Est-ce un abbé porteur De ces fausses nouvelles Qui aident à vieillir? Est-ce mon frère qui vient Me dire qu'il est temps D'un peu moins nous haïr? Ou n'est-ce que le vent Qui gonfle un peu le sable Et forme des mirages Pour nous passer le temps? Regarde bien, petit, Regarde bien Sur la plaine là-bas À hauteur des roseaux Entre ciel et moulin Y a un homme qui vient Que je ne connais pas Regarde bien, petit, Regarde bien Ce n'est pas un voisin Son cheval est trop fier Pour être de ce coin Pour revenir de guerre, Ce n'est pas un abbé Son cheval est trop pauvre Pour être paroissien, Ce n'est pas un marchand Son cheval est trop clair Son habit est trop blanc Et aucun voyageur N'a plus passé le pont Depuis la mort du père Ni ne sait nos prénoms Regarde bien, petit, Regarde bien Sur la plaine là-bas À hauteur des roseaux Entre ciel et moulin Y a un homme qui vient Que je ne connais pas Regarde bien, petit, Regarde bien Non, ce n'est pas mon frère Son cheval aurait bu Non, ce n'est pas mon frère Il ne l'oserait plus Il n'est plus rien ici Qui puisse le servir Non, ce n'est pas mon frère Mon frère a pu mourir Cette ombre de midi Aurait plus de tourments S'il s'agissait de lui Allons, c'est bien le vent Qui gonfle un peu le sable Pour nous passer le temps Regarde bien, petit, Regarde bien Sur la plaine là-bas À hauteur des roseaux Entre ciel et moulin Y a un homme qui part Que nous ne saurons pas Regarde bien, petit, Regarde bien Il faut sécher tes larmes Y a un homme qui part Que nous ne saurons pas Tu peux ranger les armes Rosa Paroles et Musique: Jacques Brel 1962 Rosa rosa rosam Rosae rosae rosa Rosae rosae rosas Rosarum rosis rosis C'est le plus vieux tango du monde Celui que les têtes blondes Ânonnent comme une ronde En apprenant leur latin C'est le tango du collège Qui prend les rêves au piège Et dont il est sacrilège De ne pas sortir malin C'est le tango des bons pères Qui surveillent l'œil sévère Les Jules et les Prosper Qui seront la France de demain Rosa rosa rosam Rosae rosae rosa Rosae rosae rosas Rosarum rosis rosis C'est le tango des forts en thème Boutonneux jusqu'à l'extrême Et qui recouvrent de laine Leur cœur qui est déjà froid C'est le tango des forts en rien Qui déclinent de chagrin Et qui seront pharmaciens Parce que papa ne l'était pas C'est le temps où j'étais dernier Car ce tango rosa rosae J'inclinais à lui préférer Déjà ma cousine Rosa Rosa rosa rosam Rosae rosae rosa Rosae rosae rosas Rosarum rosis rosis C'est le tango des promenades Deux par seul sous les arcades Cerclés de corbeaux et d'alcades Qui nous protégeaient des pourquoi C'est le tango de la pluie sur la cour Le miroir d'une flaque sans amour Qui m'a fait comprendre un beau jour Qu' je n' serais pas Vasco de Gama Mais c'est l' tango du temps béni Où pour un baiser trop petit Dans la clairière d'un jeudi A rosi cousine Rosa Rosa rosa rosam Rosae rosae rosa Rosae rosae rosas Rosarum rosis rosis C'est le tango du temps des zéros J'en avais tant des minces des gros Qu' j'en faisais des tunnels pour Charlot Des auréoles pour saint François C'est le tango des récompenses Qui allaient à ceux qui ont la chance D'apprendre dès leur enfance Tout ce qui ne leur servira pas Mais c'est le tango que l'on regrette Une fois que le temps s'achète Et que l'on s'aperçoit tout bête Qu'il y a des épines aux Rosa Rosa rosa rosam Rosae rosae rosa Rosae rosae rosas Rosarum rosis rosis S'il te faut Paroles et Musique: Jacques Brel 1955 Tu n'as rien compris S'il te faut des trains pour fuir vers l'aventure Et de blancs navires qui puissent t'emmener Chercher le soleil à mettre dans tes yeux Chercher des chansons que tu puisses chanter Alors… S'il te faut l'aurore pour croire au lendemain Et des lendemains pour pouvoir espérer Retrouver l'espoir qui t'a glissé des mains Retrouver la main que ta main a quittée Alors… S'il te faut des mots prononcés par des vieux Pour te justifier tous tes renoncements Si la poésie pour toi n'est plus qu'un jeu Si toute ta vie n'est qu'un vieillissement Alors… S'il te faut l'ennui pour te sembler profond Et le bruit des villes pour saouler tes remords Et puis, des faiblesses pour te paraître bon Et puis, des colères pour te paraître fort Alors… Alors, tu n'as rien compris Saint Pierre Paroles et Musique: Jacques Brel 1956 Il y a longtemps de cela Au fond du ciel, le bon saint Pierre Comme un collégien se troubla Pour une étoile au cœur de pierre Sitôt conquise, elle s'envole En embrasant de son regard Le cœur, la barbe et l'auréole Du bon saint Pierre au désespoir Qui criait et pleurait Dans les rues du paradis Qui criait et pleurait Tout en se moquant de lui Effeuillons l'aile d'un ange Pour voir si elle pense à moi Effeuillons l'aile d'un ange Pour voir si elle m'aimera Saint Pierre alors partit chercher A cheval sur un beau nuage Vainement dans la Voie Lactée Sa jeune étoile au cœur volage Au paradis, lorsqu'il revint Devant la porte, il est resté N'osant montrer tout son chagrin A ses copains auréolés Qui criaient et pleuraient Dans les rues du paradis Qui criaient et pleuraient Tout en se moquant de lui Effeuillons l'aile d'un ange Pour voir si elle pense à toi Effeuillons l'aile d'un ange Pour voir si elle t'aimera Mais le bon Dieu lui vint en aide Car les barbus sont syndiqués Il changea l'étoile en planète Et fit de saint Pierre un portier Et de ces anges déplumés Par les amours du bon saint Pierre Afin de tout récupérer Il fit les démons de l'enfer Ceux qui crient, ceux qui pleurent A l'heure où naissent les nuits Ceux qui crient, ceux qui pleurent Dans un coin de votre esprit Effeuillons l'aile d'un ange Pour voir si elle pense à moi Effeuillons l'aile d'un ange Pour voir si elle m'aimera Sans exigences Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, François Rauber 2003 "Brel infiniment" note: inédit enregistré en 1977; note figurant sur la compilation de 2003 "chanson non aboutie que Jacques Brel et nous-mêmes désirions remanier, raison pour laquelle elles n’ont jamais été divulguées" (François Rauber, Gérard Jouannest) Je n'étais plus que son amant Je vivais bien de temps en temps Mais peu à peu, de moins en moins Je blasphémais ma dernière chance Au fil de son indifférence J'en voulais faire mon seul témoin Mais j'ai dû manquer d'impudence Car, me voyant sans exigences, Elle me croyait sans besoins Je protégeais ses moindres pas Je passais mais ne pesais pas Je me trouvais bien de la chance A vivre à deux ma solitude Puis, je devins son habitude Je devins celui qui revient Lorsqu'elle revenait de partance Et me voyant sans exigences Elle me croyait sans besoins L'eau chaude n'a jamais mordu Mais on ne peut que s'y baigner Et elle ne peut de plus en plus Que refroidir et reprocher Qu'on ne soit pas assez soleil L'eau chaude à l'eau chaude est pareille Elle confond faiblesse et patience Et me voyant sans exigences Elle me voulait sans merveilles De mal à seul, j'eus mal à deux J'en suis venu à prier Dieu Mais on sait bien qu'Il est trop vieux Et qu'Il n'est plus maître de rien Il eût fallu que j'arrogance Alors que, tremblant d'indulgence, Mon cœur n'osât lever la main Et me voyant sans exigences Elle me croyait sans besoins Elle est partie comme s'en vont Ces oiseaux-là dont on découvre Après avoir aimé leurs bonds Que le jour où leurs ailes s'ouvrent Ils s'ennuyaient entre nos mains Elle est partie comme en vacances Depuis, le ciel est un peu lourd Et je me meurs d'indifférence Et elle croit s' couvrir d'amour Seul Paroles et Musique: Jacques Brel 1959 autres interprètes: Isabelle Aubret (1975) On est deux mon amour Et l'amour chante et rit Mais à la mort du jour Dans les draps de l'ennui On se retrouve seul On est dix à défendre Les vivants par des morts Mais cloués par leurs cendres Au poteau du remords On se retrouve seul On est cent qui dansons Au bal des bons copains Mais au dernier lampion Mais au premier chagrin On se retrouve seul On est mille contre mille A se croire les plus forts Mais à l'heure imbécile Où ça fait deux mille morts On se retrouve seul On est million à rire Du million qui est en face Mais deux millions de rires N'empêchent que dans la glace On se retrouve seul On est mille à s'asseoir Au sommet de la fortune Mais dans la peur de voir Tout fondre sous la lune On se retrouve seul On est cent que la gloire Invite sans raison Mais quand meurt le hasard Quand finit la chanson On se retrouve seul On est dix à coucher Dans le lit de la puissance Mais devant ces armées Qui s'enterrent en silence On se retrouve seul On est deux à vieillir Contre le temps qui cogne Mais lorsqu'on voit venir En riant la charogne On se retrouve seul. Sur la place Paroles et Musique: Jacques Brel 1955 autres interprètes: Simone Langlois, Barbara Sur la place chauffée au soleil Une fille s'est mise à danser Elle tourne toujours, pareille Aux danseuses d'antiquités, Sur la ville il fait trop chaud Hommes et femmes sont assoupis Et regardent par le carreau Cette fille qui danse à midi Ainsi certains jours, paraît Une flamme à nos yeux A l'église où j'allais On l'appelait le bon Dieu L'amoureux l'appelle l'amour Le mendiant la charité Le soleil l'appelle le jour Et le brave homme la bonté Sur la place vibrante d'air chaud Où pas même ne paraît un chien Ondulante comme un roseau La fille bondit, s'en va, s'en vient Ni guitare ni tambourin Pour accompagner sa danse Elle frappe dans ses mains Pour se donner la cadence Ainsi certains jours, paraît Une flamme à nos yeux A l'église où j'allais On l'appelait le bon Dieu L'amoureux l'appelle l'amour Le mendiant la charité Le soleil l'appelle le jour Et le brave homme la bonté Sur la place où tout est tranquille Une fille s'est mise à chanter Et son chant plane sur la ville Hymne d'amour et de bonté Mais sur la ville il fait trop chaud Et, pour ne point entendre son chant, Les hommes ferment les carreaux Comme une porte entre morts et vivants Ainsi certains jours, paraît Une flamme en nos cœurs Mais nous ne voulons jamais Laisser luire sa lueur Nous nous bouchons les oreilles Et nous nous voilons les yeux Nous n'aimons point les réveils De notre cœur déjà vieux Sur la place, un chien hurle encore Car la fille s'en est allée Et comme le chien hurlant la mort Pleurent les hommes leur destinée Titine Paroles et Musique: Jacques Brel, G. Jouannest, J. Corti 1964 J'ai retrouvé Titine Titine, oh ma Titine J'ai retrouvé Titine Que je ne trouvais pas Je l'ai r’trouvée par hasard Qui vendait du buvard Derrière une vitrine De la gare St-Lazare Je lui ai dit: Titine Titine, oh ma Titine Je lui ai dit: Titine Pourquoi m'avoir quitté? Tu es partie comme ça Sans un geste, sans un mot Voir un film de Charlot Au ciné d' l'Olympia Et y a trente ans déjà Que nous t' cherchions partout Mon Hispano et moi En criant comme des fous Je cherche après Titine Titine, oh ma Titine Je cherche après Titine Mais j'ai r’trouvé Titine Titine, oh ma Titine J'ai retrouvé Titine Que je ne trouvais pas J' l'avais cherchée partout Au Gabon, au Tonkin J' l'avais cherchée en vain Au Chili, au Pérou Et j' lui ai dit: Titine Titine, oh ma Titine Et j' lui ai dit: Titine Je t'en supplie, reviens! Tu as changé, j' sais bien T'es un peu moins tentante Puis tu marches comme Chaplin Puis t’es devenue parlante Mais enfin, c'est mieux que rien Quand on vit depuis trente ans Tout seul avec un chien Et avec douze enfants Qui cherchent après Titine Titine, oh ma Titine Qui cherchent après Titine Mais j'ai r’trouvé Titine Titine oh ma Titine J'ai retrouvé Titine Que je ne trouvais pas J'aimerais qu' vous la voyiez Titine, elle est en or Bien plus que Valentine Bien plus qu'Eléonore Mais hier, quand j' lui ai dit Titine oh ma Titine Quand j' lui ai dit: Titine Est-ce que tu m'aimes encore? Elle est r’partie, comme ça Sans un geste, sans un mot Voir un film de Charlot Au ciné d' l'Olympia Alors voilà pourquoi Nous la r’cherchons partout Mon Hispano et moi En criant comme des fous Je cherche après Titine Titine oh ma Titine Je cherche après Titine Mais je r’trouverai Titine Titine oh ma Titine Je retrouverai Titine Et tout ça s'arrangera Un enfant Paroles: J.Brel. Musique: J.Brel, G.Jouannest 1968 "Vezoul" autres interprètes: Petula Clark (1968) Céline Dion (1983) Garou (1999) Un enfant, Ça vous décroche un rêve Ça le porte à ses lèvres Et ça part en chantant Un enfant, Avec un peu de chance Ça entend le silence Et ça pleure des diamants Et ça rit à n'en savoir que faire Et ça pleure en nous voyant pleurer Ça s'endort de l'or sous les paupières Et ça dort pour mieux nous faire rêver Un enfant, Ça écoute le merle Qui dépose ses perles Sur la portée du vent Un enfant, C'est le dernier poète D'un monde qui s'entête A vouloir devenir grand Et ça demande si les nuages ont des ailes Et ça s'inquiète d'une neige tombée Et ça s’endort, de l’or sous les paupières Et ça se doute qu'il n'y a plus de fées Mais un enfant Et nous fuyons l'enfance Un enfant Et nous voilà passants Un enfant Et nous voilà patience Un enfant Et nous voilà passés Une île Paroles et Musique: Jacques Brel 1962 Une île Une île au large de l'espoir Où les hommes n'auraient pas peur Et douce et calme comme ton miroir Une île Claire comme un matin de Pâques Offrant l'océane langueur D'une sirène à chaque vague Oh, viens Viens mon amour Là-bas ne seraient point ces fous Qui nous disent d'être sages Ou que vingt ans est le bel âge Voici venu le temps de vivre Voici venu le temps d'aimer Une île Une île au large de l'amour Posée sur l'autel de la mer Satin couché sur le velours Une île Chaude comme la tendresse Espérante comme un désert Qu'un nuage de pluie caresse Oh, viens Viens mon amour Là-bas ne seraient point ces fous Qui nous cachent les longues plages Viens mon amour Fuyons l'orage Voici venu le temps de vivre Voici venu le temps d'aimer Une île Et qu'il nous reste à bâtir Mais qui donc pourrait retenir Les rêves que l'on rêve à deux Une île Voici qu'une île est en partance Et qui sommeillait en nos yeux Depuis les portes de l'enfance Oh, viens Viens mon amour Car c'est là-bas que tout commence Je crois à la dernière chance Et tu es celle que je veux Voici venu le temps de vivre Voici venu le temps d'aimer Une île Vesoul Paroles et Musique: Jacques Brel 1968 "Barclay" autres interprètes: Jean Guidoni, Florent Pagny (2008) note: Accompagné par l'accordéoniste Marcel Azzola. T'as voulu voir Vierzon Et on a vu Vierzon T'as voulu voir Vesoul Et on a vu Vesoul T'as voulu voir Honfleur Et on a vu Honfleur T'as voulu voir Hambourg Et on a vu Hambourg J'ai voulu voir Anvers On a revu Hambourg J'ai voulu voir ta sœur Et on a vu ta mère, Comme toujours T'as plus aimé Vierzon On a quitté Vierzon T'as plus aimé Vesoul On a quitté Vesoul T'as plus aimé Honfleur On a quitté Honfleur T'as plus aimé Hambourg On a quitté Hambourg T'as voulu voir Anvers On a vu qu’ ses faubourgs T'as plus aimé ta mère On a quitté ta sœur, Comme toujours Mais je te le dis Je n'irai pas plus loin Mais je te préviens J'irai pas à Paris D'ailleurs, j'ai horreur De tous les flonflons De la valse musette Et de l'accordéon T'as voulu voir Paris Et on a vu Paris T'as voulu voir Dutronc Et on a vu Dutronc J'ai voulu voir ta sœur J'ai vu l’ Mont Valérien T'as voulu voir Hortense Elle était dans l’ Cantal Je voulais voir Byzance Et on a vu Pigalle A la gare St-Lazare J'ai vu les fleurs du mal, Par hasard T'as plus aimé Paris On a quitté Paris T'as plus aimé Dutronc On a quitté Dutronc Maintenant j’ confonds ta sœur Et le Mont Valérien De c’ que je sais d'Hortense J'irai plus dans l’ Cantal Et tant pis pour Byzance Puisque que j'ai vu Pigalle Et la gare St-Lazare C'est cher et ça fait mal, Au hasard Mais je te le redis Chauffe Marcel, chauffe! Je n'irai pas plus loin Mais je te préviens Zaï, zaï, zaï! Le voyage est fini D'ailleurs, j'ai horreur De tous les flonflons De la valse musette Et de l'accordéon Chauffe! T'as voulu voir Vierzon Et on a vu Vierzon T'as voulu voir Vesoul Et on a vu Vesoul T'as voulu voir Honfleur Et on a vu Honfleur T'as voulu voir Hambourg Et on a vu Hambourg J'ai voulu voir Anvers On a revu Hambourg J'ai voulu voir ta sœur Et on a vu ta mère, Comme toujours T'as plus aimé Vierzon On a quitté Vierzon Chauffe, chauffe, chauffe! T'as plus aimé Vesoul On a quitté Vesoul T'as plus aimé Honfleur On a quitté Honfleur T'as plus aimé Hambourg On a quitté Hambourg T'as voulu voir Anvers On a vu qu’ ses faubourgs T'as plus aimé ta mère On a quitté ta sœur, Comme toujours Chauffez les gars! Mais je te le re redis Je n'irai pas plus loin Mais je te préviens J'irai pas à Paris D'ailleurs, j'ai horreur De tous les flonflons De la valse musette Et de l'accordéon T'as voulu voir Paris Et on a vu Paris T'as voulu voir Dutronc Et on a vu Dutronc J'ai voulu voir ta sœur J'ai vu l’ Mont Valérien T'as voulu voir Hortense Elle était dans l’ Cantal Je voulais voir Byzance Et on a vu Pigalle A la gare St-Lazare J'ai vu les fleurs du mal, Par hasard Vieille Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel autres interprètes: Jacques Brel C'est pour pouvoir enfin botter les fesses A ces vieillards qui nous ont dit Que nos vingt ans, que notre jeunesse Étaient le plus beau temps de la vie C'est pour pouvoir enfin botter le cœur A ceux qui nous volent nos nuits Ces maladroits qui n'ont que leur ardeur Croulants qui n'ont que leur ennui C'est pour cela, jeunes gens, Qu'au fond de moi s'éveille Le désir charmant De devenir vieille C'est pour pouvoir un jour enfin leur dire A celles qui me jugent avec fureur "Pauvres grognasses" c'est pour pouvoir vous dire "Je vous pardonne votre laideur" C'est pour pouvoir leur dire à ces matrones Qui mille fois m'ont condamnée "Comment voulez-vous que l'on vous pardonne Vous qui n'avez même pas péché?" C'est pour cela, jeunes gens, Qu'au fond de moi s'éveille Le désir charmant De devenir vieille C'est pour pouvoir, au jardin de mon cœur, Ne soigner que mes souvenirs Vienne le temps où femme peut s'attendrir Et ne plus jalouser les fleurs C'est pour pouvoir enfin chanter l'amour Sur la cithare de la tendresse Et pour qu'enfin on me fasse la cour Pour d'autres causes que mes fesses C'est pour cela, jeunes gens, Qu'au fond de moi s'éveille Le désir charmant De devenir vieille C'est pour pouvoir un jour oser lui dire Que je n'ai bu qu'à sa santé Que quand j'ai ri c'était de le voir rire Que j'étais seule quand j'ai pleuré C'est pour pouvoir enfin oser lui dire Un soir, en filant de la laine Qu'en le trompant mais ça, oserai-je le dire, Je me suis bien trompée moi-même C'est pour cela, jeunes gens, Qu'au fond de moi s'éveille Le désir charmant De devenir vieille Vieillir Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, Gérard Jouannest 1977 note: de la comédie musicale "Vilebrequin" Mourir en rougissant Suivant la guerre qu'il fait Du fait des Allemands A cause des Anglais Mourir baiseur intègre Entre les seins d'une grosse Contre les os d'une maigre Dans un cul de basse-fosse Mourir de frissonner Mourir de se dissoudre De se racrapoter Mourir de se découdre Ou terminer sa course La nuit de ses cent ans Vieillard tonitruant Soulevé pas quelques femmes Cloué à la Grande Ourse Cracher sa dernière dent En chantant "Amsterdam" Mourir, cela n'est rien Mourir, la belle affaire! Mais vieillir… Oh! vieillir Mourir, mourir de rire C'est possiblement vrai D'ailleurs la preuve en est Qu'ils n'osent plus trop rire Mourir de faire le pitre Pour dérider l' désert Mourir face au cancer Par arrêt de l'arbitre Mourir sous le manteau Tellement anonyme Tellement incognito Que meurt un synonyme Ou terminer sa course La nuit de ses cent ans Vieillard tonitruant Soulevé par quelques femmes Cloué à la Grande Ourse Cracher sa dernière dent En chantant "Amsterdam" Mourir, cela n'est rien Mourir, la belle affaire! Mais vieillir… Oh! vieillir Mourir couvert d'honneur Et ruisselant d'argent Asphyxié sous les fleurs Mourir en monument Mourir au bout d'une blonde Là où rien ne se passe Où le temps nous dépasse Où le lit tombe en tombe Mourir insignifiant Au fond d'une tisane Entre un médicament Et un fruit qui se fane Ou terminer sa course La nuit de ses mille ans Vieillard tonitruant Soulevé par quelques femmes Cloué à la Grande Ourse Cracher sa dernière dent En chantant "Amsterdam" Mourir, cela n'est rien Mourir, la belle affaire! Mais vieillir… Oh! vieillir Vivre debout Paroles et Musique: Jacques Brel 1961 Voilà que l'on se cache Quand se lève le vent De peur qu'il ne nous pousse Vers des combats trop rudes Voilà que l'on se cache Dans chaque amour naissant Qui nous dit après l'autre Je suis la certitude Voilà que l'on se cache Que notre ombre un instant Pour mieux fuir l'inquiétude Soit l'ombre d'un enfant L'ombre des habitudes Qu'on a plantées en nous Quand nous avions vingt ans Serait-il impossible de vivre debout Voilà qu'on s'agenouille D'être à moitié tombé Sous l'incroyable poids De nos croix illusoires Voilà qu'on s'agenouille Et déjà retombé Pour avoir été grand L'espace d'un miroir Voilà qu'on s'agenouille Alors que notre espoir Se réduit à prier Alors qu'il est trop tard Qu'on ne peut plus gagner A tous ces rendez-vous Que nous avons manqués Serait-il impossible de vivre debout Voilà que l'on se couche Pour la moindre amourette Pour la moindre fleurette A qui l'on dit toujours Voilà que l'on se couche Pour mieux perdre la tête Pour mieux brûler l'ennui A des reflets d'amour Voilà que l'on se couche De l'envie qui s'arrête De prolonger le jour Pour mieux faire notre cour A la mort qui s'apprête Pour être jusqu'au bout Notre propre défaite Serait-il impossible de vivre debout Voici Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, François Rauber 1958 Voici Qu'un ciel penche ses nuages Sur ces chemins d'Italie Pour amoureux sans bagages Voici Des coteaux en ribambelles Pour enrubanner nos vies De vins clairs de fleurs nouvelles Voici Des cloches sonnant la fête Des fêtes pour que l'on rie Des rires que rien n'arrête Voici Des amours en robe blanche Moitié fleur et moitié fruit Que nous jalousent les anges Voici Des échos qui font la chaîne Pur porter à l'infini Nos "toujours" et nos "je t'aime" Voici Des promesse de Saint-Jean De Saint-Jean qui durent la vie Des vies qu'épargne le temps Voici Certains sourires de nos pères Que l'on recherche la nuit Pour mieux calmer sa colère Voici Qu'au carrefour des amitiés La douleur s'évanouit Broyée par nos mains serrées Voici Qu'en nos faubourgs délavés Des prêtres en litanies Sont devenus ouvriers Voici Des mains ridées de courage Qui caressent l'établi D'où jaillit la belle ouvrage Voici Ces fleurs poussant en pagaille Entre nous et l'ennemi Pour empêcher la bataille Voici Voir Paroles et Musique: Jacques Brel 1958 autres interprètes: Isabelle Aubret (1975) Voir la rivière gelée Vouloir être un printemps Voir la terre brûlée Et semer en chantant Voir que l'on a vingt ans Vouloir les consumer Voir passer un croquant Et tenter de l'aimer Voir une barricade Et la vouloir défendre Voir périr l'embuscade Et puis ne pas se rendre Voir le gris des faubourgs Vouloir être Renoir Voir l'ennemi de toujours Et fermer sa mémoire Voir que l'on va vieillir Et vouloir commencer Voir un amour fleurir Et s'y vouloir brûler Voir la peur inutile La laisser aux crapauds Voir que l'on est fragile Et chanter à nouveau Voilà ce que je vois Voilà ce que je veux Depuis que je te vois Depuis que je te veux Voir un ami pleurer Paroles et Musique: F. Rauber, Jacques Brel 1977 autres interprètes: Juliette Greco (1977), Pierre Bachelet (2003) note: de la comédie musicale "Vilebrequin" Bien sûr, il y a les guerres d'Irlande Et les peuplades sans musique Bien sûr, tout ce manque de tendre Et il n'y a plus d'Amérique Bien sûr, l'argent n'a pas d'odeur Mais pas d'odeur vous monte au nez Bien sûr, on marche sur les fleurs Mais, mais voir un ami pleurer! Bien sûr, il y a nos défaites Et puis la mort qui est tout au bout Nos corps inclinent déjà la tête Étonnés d'être encore debout Bien sûr, les femmes infidèles Et les oiseaux assassinés Bien sûr, nos cœurs perdent leurs ailes Mais, mais voir un ami pleurer! Bien sûr, ces villes épuisées Par ces enfants de cinquante ans Notre impuissance à les aider Et nos amours qui ont mal aux dents Bien sûr, le temps qui va trop vite Ces métro remplis de noyés La vérité qui nous évite Mais, mais voir un ami pleurer! Bien sûr, nos miroirs sont intègres Ni le courage d'être juif Ni l'élégance d'être nègre On se croit mèche, on n'est que suif Et tous ces hommes qui sont nos frères Tellement qu'on n'est plus étonné Que, par amour, ils nous lacèrent Mais, mais voir un ami pleurer! Zangra Paroles et Musique: Jacques Brel 1962 note: inspiré du personnage de Drogo dans "Le désert des Tartares", roman de Dino Buzzati Je m'appelle Zangra et je suis lieutenant Au fort de Belonzio qui domine la plaine D'où l'ennemi viendra qui me fera héros En attendant ce jour, je m'ennuie quelquefois Alors, je vais au bourg voir les filles en troupeaux Mais elles rêvent d'amour et moi de mes chevaux Je m'appelle Zangra et déjà capitaine Au fort de Belonzio qui domine la plaine D'où l'ennemi viendra qui me fera héros En attendant ce jour, je m'ennuie quelquefois Alors, je vais au bourg voir la jeune Consuelo Mais elle parle d'amour et moi de mes chevaux Je m'appelle Zangra, maintenant commandant Au fort de Belonzio qui domine la plaine D'où l'ennemi viendra qui me fera héros En attendant ce jour, je m'ennuie quelquefois Alors, je vais au bourg, boire avec Don Pedro Il boit à mes amours et moi à ses chevaux Je m'appelle Zangra, je suis vieux colonel Au fort de Belonzio qui domine la plaine D'où l'ennemi viendra qui me fera héros En attendant ce jour, je m'ennuie quelquefois Alors, je vais au bourg, voir la veuve de Pedro Je parle enfin d'amour mais elle de mes chevaux Je m'appelle Zangra, hier trop vieux général J'ai quitté Belonzio qui domine la plaine Et l'ennemi est là, je ne serai pas héros